Selon un renseignement non confirmé fourni par le tabloïde ultra-conservateur britannique Daily Express, une équipe du Special Air Service (SAS) britannique aurait été dépêchée au Yémen pour tenter de retrouver les responsables du tir de trois drones « Shahed 136 » contre le navire MV Mercer Street au large des côtes d’Oman dans la nuit du 29 au 30 juillet.

Deux drones (et non un comme annoncé dans l’article cité en référence (1)) se seraient d’abord abîmés en mer et le troisième aurait frappé ultérieurement la passerelle tuant le capitaine de nationalité roumaine et un officier de sécurité britannique de la société Ambrey (GB).

Les Britanniques privilégient l’hypothèse d’une attaque lancée depuis le Yémen par les rebelles houthis qui sont effectivement équipés depuis peu de drones de facture iranienne. Selon les services américains et israéliens qui partagent cette analyse, ces trois engins sans pilote auraient décollé depuis l’est du territoire yéménite, auraient été guidés par un système GPS puis repris en contrôle direct par des opérateurs – vraisemblablement à bord d’un navire civil (ils sont très nombreux sur zone) – agissant en visuel qui auraient guidé l’approche finale. Dans deux cas, la cible aurait été manquée.

Les Britanniques veulent réagir car un de leurs ressortissants a été tué dans cette action terroriste. 40 membres des forces spéciales britanniques dont des spécialistes de la guerre électronique – formés aux interceptions radio-électriques – auraient été dépêchés dans l’est du Yémen le 6 août. Leur mission : traquer les auteurs de l’attentat. Le Foreign Office aurait alloué un budget spécial pour rémunérer des locaux qui aideront les Britanniques dans leur mission. Les SAS travailleraient en liaison avec des membres des Forces des Opérations spéciales US qui seraient présents sur zone pour entraîner l’armée régulière et même des Saoudiens… La localisation la plus probable pour ces membres des forces spéciales est la base aérienne d’Al-Ghaydah dans le gouvernorat d’Al-Mahrah située au sud-est du pays.

Depuis février 2020, des militaires britanniques mettraient également en œuvre au moins un radars G-AMB (dépendant de la 49è Batterie Royale d’Artillerie) en Arabie saoudite. Ils traquent les roquettes et les UAV lancés par les Houthis.

Même si peu de publicité est faite autour de la présence de forces spéciales et d’artilleurs britanniques dans la région, cette dernière a été révélé ces dernières années lorsque quelques uns de ses membres ont été blessés.

Toutefois, en examinant une carte il est légitime de se poser quelques questions (c/f ci-après) concernant l’hypothèse d’un tir depuis le Yémen.

. Les côtes iraniennes sont géographiquement beaucoup plus proches (400 kilomètres) de l’impact que le Yémen.
. Certes un commando houthi a pu secrètement s’infiltrer vers l’est du Yémen pour raccourcir les distances de vol mais il était alors en pleine zone hostile tenues par les forces gouvernementales et parfois Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA).
. Les Houthis ont également pu tirer depuis l’Ouest du pays, les « Shahed 136 » ayant une portée théorique de 2.200 kilomètres (et la distance estimée d’un site de lancement dans l’Ouest du Yémen se situe entre 1.500 et 2.000 kilomètres).
. Le problème central reste le guidage final. Même de nuit, il est techniquement possible et probable mais les Américains peuvent identifier tous les navires qui étaient alors sur zone (en dehors des boutres de petite taille). Il n’empêche que cette opération nécessitait une logistique et une coordination importante que seuls les Gardiens de la révolution islamique iranienne sont capables de mettre en oeuvre.

C’est peut-être un hasard mais cette opération semble marquer l’entrée en fonction du nouveau président ultra-conservateur iranien, Ebrahim Raïssi. Il a désigné le 8 août comme premier vice-président Mohammad Mokhber, le directeur d’une puissante organisation parapublique sanctionnée par les États-Unis (comme lui-même): la Fondation de l’ordre de l’Imam (Setad). Elle a été créée à la fin des années 1980 pour gérer les propriétés confisquées suite de la Révolution de 1979. Elle est ensuite devenue un important conglomérat économique d’État avec des parts dans différents secteurs dont celui de la santé. En tant que président de cette fondation, Mohammad Mokhber a été l’un des principaux responsables du développement du premier vaccin iranien anti Covid.

Politiquement, il est plus intelligent pour les Iraniens d’avoir délégué, au moins pour partie, cette opération aux Houthis avec lesquels ils n’entretiennent aucun lien officiel. Ils peuvent donc arguer qu’ils « n’y sont pour rien », c’est un classique de la guerre par procuration.

Personne n’est dupe mais il convient de reconnaître qu’aucun État ne s’attaquera directement à l’Iran (en dehors d’un « coup d’éclat ponctuel » toujours possible mais sans lendemain, destiné à satisfaire une opinion publique intérieure). Le « morceau est beaucoup trop gros », même pour une guerre classique, et surtout, il faudrait savoir gérer la victoire (si elle est au rendez-vous) dans le temps.

L’Irak devrait avoir servi de leçon mais, parfois, il est vrai que les responsables politiques et militaires paraissent ne pas avoir pas de mémoire.

Enfin pour terminer, le tabloïd britannique joue avec la fantasmagorie associée aux forces spéciales qui passionne le public qui se sent à l’abri puisque ces professionnels sur-entraînés et sur-équipés sont aux créneaux. Il ne faut pas se faire d’illusions, les 40 membres des pourtant très expérimentés SAS ne parviendront pas à trouver, et encore moins à neutraliser, les activistes houthis (si ce sont bien eux) qui ont perpétré cet attentat.

Plus généralement, les FS ne vaincront jamais une armée constituée, même de « va-nu-pieds », si cette dernière est en nombre. Sans leur manquer de respect, les Rambo n’ont jamais gagné une guerre car ils ne sont pas conçus pour cela. C’est le rôle des armées « levées en masse » comme cela a été le cas lors des deux dernières guerres mondiales mais aussi lors des guerres coloniales.

1. Voir article du 2 août 2021 : La guerre secrète navale Iran-Israël franchit un cap

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Texte

Alain Rodier

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