Les choses ont toujours été compliquées entre le PKK et le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) qui gère officiellement le nord de l’Irak depuis la première guerre du Golfe en 1991-92.

À savoir que les deux principaux mouvements kurdes irakiens, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (PDK) se sont entendus pour se partager le pouvoir. Pour des raisons différentes, ils s’opposent au PKK dont les activistes sont très majoritairement issus de Turquie et de Syrie. En effet, le PKK est un mouvement pan-kurdiste laïque dont l’idéologie de base est le marxisme-léninisme teinté d’« apoïsme » en référence du surnom de son leader historique Abdullah Öcalan incarcéré dans l’île-prison d’Imrali au sud de la mer de Marmara en Turquie.

Il s’agit d’un saupoudrage de l’idéologie de base avec de l’auto-gestion, du féminisme et de l’écologie. Les Kurdes irakiens beaucoup plus modérés, ceux appartenant au PDK étant soutenus par la Turquie et ce de l’UPK par l’Iran, deux pays combattus par le PKK (pour l’Iran, surtout par le PJAK qui est une création du PKK).

C’est dans ce cadre qu’un grave incident est survenu dans la localité d’Amedi dans la province de Dohouk située à une quinzaine de kilomètres de la frontière turque entre des Peshmergas (la branche armée du GRK) et des activistes du PKK. Cinq peshmergas auraient été tués et quatre autres blessés lors d’une embuscade tendue par le PKK, ce dernier entendant interdire l’accès de cette zone au GRK car considérée comme « stratégique » dans la guerre qu’il mène contre la Turquie dont les forces sont déployées dans la région (c/f carte). De plus, il accuse le PDK d’être l’allié d’Ankara, ce qui n’est pas faux.

L’imbroglio du Kurdistan irakien

Le PKK est bien présent dans la région d’Amedi mais aussi dans celles de Zakho, Mateen, Avashin, Bassian, Kistah, Zab, Barwari, Shaladzi et Derluk sans oublier le mont Qandil situé à proximité de la frontière iranienne.

Sont présentes dans cette zone les forces du GRK, des Unités de Mobilisation Populaires chiites soutenues par Téhéran, l’armée turque. Seules manquent à l’appel les forces régulières irakiennes.

En 1997, les forces du PDK de Massoud Barzani et celles de l’UPK de Jalal Talabani s’étaient durement étrillées, la Turquie et Saddam Hussein étant venues donner main forte au PDK contre l’UPK alors soutenu directement par l’Iran… Depuis cette époque la Turquie maintient des postes militaires en Irak du Nord même si les Kurdes irakiens se sont globalement réconciliés. En effet, l’objectif d’Ankara est de lutter contre le PKK qui considère les régions montagneuses de l’Irak du Nord comme son sanctuaire historique. Son état-major est d’ailleurs implanté sur les flancs escarpés du mont Qandil qu’il partage avec le PJAK, ce qui explique que cette zone est régulièrement bombardée par les Turcs et parfois par les Iraniens.

Le GRK a toujours accusé le PKK d’avoir, par sa seule présence, provoqué des pertes civiles causées majoritairement par l’aviation turque. Il lui est régulièrement demandé d’évacuer la zone pour retourner en Syrie ou en Turquie. C’est oublier un peu rapidement que les populations yézidies pourchassées en 2014 par les salafistes-jihadistes de Daech dans la région du Sinjar au nord-ouest de l’Irak, été surtout protégées par des forces du PKK dépêchées depuis la Syrie voisine. Les peshmergas s’étaient repliés sur des « positions préparées à l’avance », certes pour mieux être en mesure de protéger les populations civiles kurdes irakiennes qui étaient également directement menacées.

Depuis 2020, les forces turques ont lancé de vastes opérations de bombardement et de coups de main (les « serres de l’éclair », « serres de l’orage », « serres de l’aigle », etc.)(1) en Irak du Nord, particulièrement dans les régions des villes de Dohouk et d’Erbil. Toutefois, elles sont dans l’incapacité totales de contrôler le terrain extrêmement montagneux et tourmenté. La solution qui va perdurer consiste à renforcer les points d’appuis de par et d’autre de la frontière turco-irakienne de manière à gêner les mouvements et l’approvisionnement des activistes du PKK et de leurs familles. Cela dure depuis la fin des années 1990 et personne ne sait quand une solution sera trouvée, si elle existe…

1. Voir mon article du 4 mai 2020 : « Turquie – Irak. Opération militaire turque imminente ? »

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