Profitant de la vacance du pouvoir à la Maison-Blanche jusqu’à l’emménagement du nouveau président américain élu, l’Iran a décidé un grand coup (médiatique ?) en annonçant l’envoi d’une flotte d’une dizaine de tankers vers le Venezuela. Ils seront chargés de carburants raffinés qui sont actuellement rationnés dans ce pays en raison des sanctions américaines mais aussi de nombreuses années de gestion catastrophique, de corruption et de sous-investissements de la société d’État « Petroleos de Venezuela ».

Ce pays qui fournissait le plus de pétrole brut aux États-Unis jusqu’en 2017-2018 (livraisons arrêtées depuis l’embargo de 2019) et qui détenait le reccord des prix de carburants les plus bas de la planète, ne peut presque plus en produire car ses six raffineries sont hors d’état de fonctionner en dehors de celle de Cardón… Pour les réparer, les pièces de rechange sont difficiles à trouver sur le marché international en raison des sanctions décrétées par Washington. Pire encore, étant donné l’état de délabrement des installations, même la Chine a renoncé à tenter de les remettre en fonction. L’Iran s’est proposé mais il est douteux que Téhéran aussi soumis à embargo, ait les capacités techniques et financières de réparer les raffineries vénézuéliennes.

Une fois déchargés, les navires du convoi devraient embarquer du pétrole brut pour aider le Venezuela à le commercialiser – et donc à faire rentrer des devises – mais aussi à libérer ses capacités de stockage qui sont à saturation.

L’administration Trump enrage car cette expédition va à l’encontre des sanctions prises à l’égard du régime du président Nicolas Maduro accusé d’être un dictateur corrompu. Jusqu’ici, même la Russie et la Chine ne se sont pas risquées à s’affranchir des mesures américaines décrétées contre tout pays, organisation ou individu, qui se risquerait à commercer directement avec le Venezuela.

Cependant, en octobre, trois pétroliers iraniens (Fortune, Forest, Flaxon) avaient déjà acheminé du fuel. Une opération du même genre avait également eu lieu en mai avec cinq tankers (on retrouve les Forest, Fortune, Flaxon en plus des Petunia et Clavel) que le président Nicolas Maduro avait accueilli en personne. Cependant, les réserves vénézuéliennes seraient aujourd’hui presque à sec et les stations service ferment les unes après les autres.

Washington a prévenu les sociétés maritimes, les assureurs, les propriétaires de navires et leurs capitaines qu’ils ont intérêt à ne pas participer à ces « trafics » s’ils ne veulent pas être poursuivis par les tribunaux américains, voir leurs fonds saisis et l’entrée aux USA leur être interdite. Ainsi, les cinq capitaines iraniens de l’équipée de mai ont été sanctionnés ! Cela n’empêche pas certains navires d’être repeints, rebaptisés et inscrits sur des listes de compagnies fantôme.
La question se pose aujourd’hui est de savoir si l’administration Trump descendante va tenter d’engager une opération militaire pour bloquer le convoi (en peu comme lors de la crise de Cuba de 1962) ce qui ne manquerait pas de faire monter la crise d’un cran.

Maduro a remporté les élections législatives du 6 décembre avec 67,7% des suffrages exprimés alors que l’opposant Juan Guaido, autoproclamé en janvier 2019 président du pays et reconnu comme tel par Washington et ses alliés dont l’UE, avait décidé de boycotter les urnes. Ces résultats ne sont pas reconnus ni par Washington ni par Bruxelles. Le Venezuela va rester une des « patates chaudes » laissée par Donald Trump à son successeur.

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Texte

Alain Rodier

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