Le 24 octobre, un attentat à la bombe a eu lieu à Kaboul contre le centre éducatif Kawsar-e Danish dans le quartier de Dasht-e-Barchi faisant une vingtaine de tués et 50 blessés. Cette zone est surtout fréquentée par des populations chiites. En 2018, un attentat similaire avait eu lieu dans le même quartier massacrant des douzaines d’élèves d’un autre établissement scolaire. En mai de cette année, c’est une maternité qui avait été ciblée tuant 24 personnes dont des femmes et des enfants. À chaque fois, c’est Daech qui avait revendiqué ces actions.

En réalité, Daech qui a du mal à s’implanter dans sa « wilayat Khorasan » d’Afghanistan car il s’oppose au gouvernement en place à Kaboul mais aussi aux taliban et à leurs alliés d’Al-Qaida « canal historique », en est réduit à se livrer à des attentats terroristes de masse (là contre des chiites qu’il considère comme des « apostats » – des traîtres à l’islam – ) pour montrer qu’il est toujours présent(1).Étant donnée la faiblesse des moyens humains et financiers nécessaires pour déclencher ce type d’action, il est prévisible que les attentats continueront dans l’avenir.

Les taliban(2) qui, selon le ministère afghan de la défense, sont présents en permanence dans 24 des 36 province afghanes, poursuivent pour leur part une guerre de harcèlement particulièrement vive.Ainsi, le 24 septembre matin, un engin explosif improvisé tuait neuf voyageurs en frappant un minibus dans l’Est du pays. Selon les services de police de Ghazni, un deuxième véhicule qui se portait sur les lieux de l’attentat était à son tour détruit tuant deux policiers.La veille, les taliban avaient littéralement submergé un poste militaire situé à Delaram dans la province du Sud-ouest de Nimroz tuant 24 soldats et faisant au moins six prisonniers.

Ce poste se trouve sur la route circulaire qui relie les principales villes d’Afghanistan. Elle est régulièrement coupée par des barrages des taliban qui rançonnent ceux qui l’empruntent et enlèvent ou exécutent les fonctionnaires qui tombent entre leurs mains.Le 21, ils ont tué 47 membres des forces de sécurité dans la région Nord de Takhâr. Les gouvernementaux auraient perdu le contrôle de Lashkar Gah, la capitale de la province d’Helmand, si l’aviation américaine n’était pas directement intervenue.Des combats acharnés ont aussi été signalés dans le district de Dehrawod dans la province centrale d’Uruzgan.Le 20 octobre, ce sont douze policiers qui sont tombés lors d’une embuscade tendue dans le district de Kang de la province de Nimroz.

Pour le président Donald Trump, il importe surtout que les forces américaines quittent l’Afghanistan rapidement même si les taliban ne respectent pas scrupuleusement l’accord signé à Doha le 29 février 2020. Dans le cadre de la campagne présidentielle ayant lieu aux États-Unis, il avait tweeté le 8 octobre qu’il voulait accélérer le retrait (très populaire au sein des électeurs) : « Nous devrions faire rentrer à la maison d’ici à Noël le petit nombre de nos courageux hommes et femmes qui servent encore en Afghanistan ».Pour les taliban, cet accord avait été salué par leur délégation par des « Allahu akbar » ce qui démontre qu’ils considèrent que, même s’ils n’ont pas encore gagné la guerre, la première puissance mondiale l’a perdue. Haibatullah Akhundzada, l’émir des taliban afghans s’est d’ailleurs empressé de proclamer la « victoire au nom de l’ensemble de la nation musulmane et des moudjahiddines ».

Pour rappel le mouvement taleb afghan a pris l’engagement d’entamer des pourparlers de paix avec Kaboul et de ne pas laisser Al-Qaida ou d’autres mouvements terroristes opérer depuis l’Afghanistan comme cela avait été le cas en 2001. En échange, plus d’un millier de prisonniers doivent être élargis (ce qui a effectivement commencé) et les troupes américaines ont l’obligation de se retirer progressivement. D’ailleurs, Husam Abd al-Rauf alias Abou Mouhsin al-Masri, un activiste historique qui avait participé à la guerre contre les Soviétiques à partir de 1986 puis qui était devenu le porte-parole d’Al-Qaida, aurait été tué avec cinq autres moudjahidines lors d’un raid de l’armée afghane dans la région de Ghaznî le 25 octobre. La rumeur disait qu’il était sous la protection des taliban…Malgré cet accord, dès le 1er mars, les chefs locaux taleban avaient reçu de la choura (organe de commandement des taliban) pour instruction de relancer les opérations anti-gouvernementales qui avait été gelées le temps d’une trêve permettant la signature en grandes pompes de l’accord talébo-américain.

De son côté, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan (qui est responsable de la mission de formation de l’armée afghane  dans le cadre de l’opération Resolute Support) a déclaré le 23 octobre :  « Un dilemme va se poser dans les prochains mois […] Soit nous quittons l’Afghanistan avec le risque de voir tous les acquis disparaître et le pays devenir un refuge pour les terroristes, soit nous restons, mais ce sera pour un engagement dans la durée avec le risque d’affrontements avec les taliban […] Les prochains mois seront décisifs ».Il semble évident que les décisions seront prises à la Maison blanche lors de la mise en place de la nouvelle administration en janvier 2021, les déclarations actuelles des candidats étant avant tout électoralistes. De leur côté, les alliés et partenaires de l’OTAN ont renouvelé leur engagement à fournir un soutien financier aux forces afghanes jusqu’en 2024.

 

 

  1. Les taliban ont l’avantage sur Daech dans le domaine idéologico-religieux qui est considéré comme un mouvement déviant. Cela séduit donc moins les activistes d’Al-Qaida qui – comme al-Zawahiri et avant lui Ben Laden – ont fait allégeance religieuse à l’émir des taliban. Ceux qui passent sous la bannière de Daech sont alors considérés comme des renégats.
  2. Les taliban sont le pluriel du mot un taleb (étudiant). C’est pour cette raison que l’auteur ne met pas de « s » à la fin du mot.

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR