Un nouveau rapport des Nations Unies publié au début juin met une nouvelle fois en lumière le jeu trouble joué par le Pakistan en Afghanistan. Alors qu’Islamabad affirme combattre le terrorisme, il soutient des groupes qui en font usage mais qui sont utiles à sa cause. Ce rapport met à mal la position du négociateur américain Zalmay Khalilzad qui s’est félicité de l’appui d’Islamabad aux négociations ayant abouti le 29 février à un accord signé entre les USA et les taliban afghans. Ce dernier devrait aboutir à terme au départ des forces multinationales (OTAN et USA) si la situation ne se dégrade pas trop.
Ainsi, ce serait de 6.000 à 6.500 activistes pakistanais qui combattraient aux côtés des taliban afghans. Trois groupes principaux seraient actifs : le Mouvement des taliban au Pakistan (Tehrik-e-Taliban Pakistan or TTP), le Lashkar-e-Taiba (LeT) et le Jaish-e-Mohammad (JeM). Ces trois groupes placés sous l’autorité des taliban afghans sont présents dans les provinces de Kunar, du Nangarhar et du Nouristan situées à l’est du pays.
Ce qui peut paraître étrange, c’est que le TTP est un virulent adversaire du pouvoir en place au Pakistan. Il a conduit de nombreuses actions terroristes dans ce pays depuis sa fondation en 2006. Et pourtant, Islamabad prétend qu’il y a de « bons taliban » (qui combattent en Afghanistan, le rapport de l’ONU parle d’environ 500 activistes du TTP présents dans la province de Kunar et de 180 dans celle du Nangarhar) et de « mauvais taliban » qui luttent au Pakistan. Il est concevable que les Pakistanais préfèrent les voir à l’extérieur qu’à l’intérieur.
Selon l’ONU, le Lashkar-e-Taiba (LeT) et le Jaish-e-Mohammed (JeM) qui, à la différence du TTP sont proches des autorités pakistanaises, et qui ont conduit pour elles des opérations terroristes en Afghanistan mais aussi en Inde, compteraient respectivement quelques 800 et 200 activistes sur le sol afghan.
Il convient d’ajouter que nombre de Pakistanais ont rejoint Daech qui tente de se faire une place en Afghanistan à travers sa « wilayat (province) Khorasan ». Cette dernière couvrait l’ensemble de la région jusqu’à la fin 2019, date de la création de la « wilayat Inde » qui englobe aussi le Pakistan, les Maldives et le Sri Lanka.
Bien curieusement, le rapport ne mentionne pas, d’autres groupes terroristes pakistanais présents en Afghanistan dont le Harakat-ul-Mujahideen (HuM).

Depuis l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979, Islamabad a toujours joué un rôle important en Afghanistan considéré comme sa « profondeur stratégique » face aux menaces chinoise et indienne. La présence d’un régime « ami » à Kaboul – pour ne pas dire inféodé – lui est indispensable. Les taliban semblent répondre le mieux aux attentes pakistanaises d’où les soutiens directs et indirects qui leur ont été accordés.

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Alain RODIER

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