Depuis des mois, Moscou craignait que Washington ne se retire du traité « Open Skies » (Ciel ouvert). Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe avait affirmé en avril que la « décision avait déjà été prise à Washington ». Elle a été annoncée hier à Washington. Le Kremlin va maintenant examiner ce que « cette décision signifie exactement » avant d’y apporter une réponse. En effet, Moscou suppose que les Européens (en dehors de la Grande Bretagne) ne devraient pas suivre les États-Unis dans cette voie car « ils ont conscience que ce traité a une valeur ajoutée comme instrument de confiance, de prévision et de transparence ».
Ce traité qui avait été proposé en 1955 par le président Dwight Eisenhower durant la Guerre froide (et rejeté par l’URSS) a été finalisé par le président George HW Bush en janvier 2002. Il est aujourd’hui respecté par 35 pays (34 si l’on retire les États-Unis).
Deux raisons sont avancées par les Américains pour avoir quitté l’accord. L’une est politique car les Russes n’en respecteraient pas les termes. En effet, les Russes refusent les survols des deux républiques autoproclamées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (Géorgie) et de l’enclave russe de Kaliningrad. Donald Trump n’apprécie pas non plus la possibilité d’espionnage des États-Unis par des avions étrangers. L’autre raison est économique car une modernisation des vieux appareils d’observation US OC-135B est devenue indispensable et coûterait extrêmement cher. De son côté, la Russie utilise deux types différents d’aéronefs : l’Antonov An-30 et une variante du Tupolev Tu-154. Ils doivent être remplacés à terme par deux Tu-214ON.
Moscou a toujours affirmé qu’un retrait US du traité « Open Skies » constituerait un sérieux coup à la sécurité de l’Europe parlant même d’une route « menant nulle part ».

Washington a déjà quitté en 2019 le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI ou INF pour Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty) ouvrant la voie, selon le président Poutine à une nouvelle course aux armements. En réalité, le problème est que la Chine n’a jamais rejoint ce traité INF et a donc développé une force de missiles intermédiaires. Dans cette période de jeu de puissances, Washington et Moscou vont pouvoir rattraper leur retard pour continuer à peser en Extrême-Orient.

Depuis sa mise en œuvre, le traité Ciel ouvert a permis environ 1.500 survols de territoires par des avions équipés de capteurs photo, vidéo, infrarouge et radar. Ces missions doivent être annoncées 72 heures à l’avance et les plans de vol déposés 24 heures avant le décollage. Tous les pays membres ont accès aux résultats de ces missions qui sont utiles pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’assurer une surveillance aérienne (comme l’Ukraine).

Il n’empêche que cette mesure démontre, une fois de plus, que Washington adopte une politique pour le moins agressive vis-à-vis de la Russie provoquant automatiquement une réponse allant dans le même sens par le Kremlin. Personne ne peut dire jusqu’où cette escalade ira…
Il convient aussi de rappeler que les dépenses militaires pour 2019 étaient de 35,4 milliards de dollars pour les USA, de 10,4 milliards pour la Chine, et de 8,5 milliards pour la Russie qui se faisait même dépasser par la Grande Bretagne avec 8,9 milliards. La France, en ce qui la concerne, annonce le chiffre de 4,8 milliards de dollars. Comme d’habitude, les lobbies militaro-industriels sont les bénéficiaires de cette montée en puissance qui pourrait tout de même connaître une pause en raison de la crise économique mondiale provoquée par le coronavirus.

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Alain RODIER

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