Un constat s’impose : les États sahéliens, très fragiles, peuvent très rapidement s’effondrer. Deux pays où l’armée française est présente, le Mali et le Burkina Faso, sont malheureusement de bons exemples. Au Mali, le nombre de civils tués dans des attaques, essentiellement dans le centre du pays, a augmenté de 300 %. Son voisin, le Burkina Faso, considéré encore il y a peu comme un pôle de stabilité, s’est embrasé à partir de janvier 2016, avec trois attentats djihadistes causant la mort d’une soixantaine de personnes. Puis le premier groupe islamiste local, Ansarul Islam, a commencé à recruter dans la communauté peule. Car les islamistes, outre le fait qu’ils ont rapidement élargi leur ancrage dans le centre du Mali et au Burkina Faso, ont exacerbé les violences entre les communautés pastorales et agricoles.

Dans le centre du Mali, la situation qui prévaut est issue de l’offensive djihadiste lancée en 2012. L’armée française y avait mis un coup d’arrêt, mais ces groupes islamistes, bien qu’étrillés par les différentes opérations durant ces années, avaient fait le plus gros et ils ont attendu que la fureur retombe. Puis, devant l’absence du gouvernement malien, et malgré les déclarations des habitants du centre du Mali disant que la situation était mauvaise, les violences ont commencé. Ainsi, depuis 2016, plus de 3 500 personnes ont été tuées dans cette région.

Pour répondre à la menace djihadiste, les deux pays ont créé des milices d’autodéfense. Au Mali, l’armée nationale a commencé par employer des membres de la confrérie traditionnelle des chasseurs (appartenant au peuple dogon). L’assassinat un an plus tard de leur chef par des djihadistes peuls engendre la vengeance des Dogons contre les Peuls qui, en retour, se dotent de milices. De l’autre côté de la frontière, le gouvernement burkinabé décide de favoriser la création de milices « koglweogo » (gardiens de la brousse) pour lutter contre les djihadistes. Mais ces milices ont gagné en légitimité aux yeux de la population et risquent à terme de remettre en cause la légitimité du gouvernement !

Car ces milices intercommunautaires, tant au Mali qu’au Burkina Faso, sont nées d’un sentiment partagé par les différentes communautés : elles ne se sentent pas assez protégées par l’État et par les forces armées.

Et, si les opérations militaires menées dans le nord et dans l’est du Burkina Faso ont éliminé une grande partie des bandes islamistes, elles ont contribué à déplacer la menace vers les pays voisins : Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin…

Éric MICHELETTI

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