Les principaux organes de communication de Daech (Al-Azaim Media et l’idéologue Abou Muhammad Khorasani sur Mubarizeen Media) affirment que le Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a pris le contrôle de Damas après avoir bénéficié d’une « conspiration internationale » comme cela aurait été le cas pour les talibans en août 2021 à Kaboul.
Ainsi, ils présentaient déjà le retrait des forces américaines de Kaboul et la chute de l’ancien gouvernement démocratique afghan qui avait amené au pouvoir des talibans comme le résultat d’une « conspiration » américaine. Ils soutiennent désormais que la chute de Bachar el-Assad provoquée par le HTS serait de la même facture.
L’arrivée d’Ahmed Hussein al-Sharaa alias Abou Mohammad al-Joulani au pouvoir en Syrie est présentée comme une mesure stratégique motivée par la peur des puissances américaines et mondiales de l’État islamique qui n’a pas été vaincu par les forces d’el-Assad.
Par conséquent, tout comme les talibans en Afghanistan, le HTS aurait été autorisé à prendre le pouvoir pour endiguer l’influence de l’État islamique dans la région.
Le « traître » al-Joulani
L’ISKP a souligné que si la chute du régime de Bachar el-Assad était indéniablement une raison de se réjouir, il considère qu’al-Joulani est un ennemi et un « traitre » à l’État islamique.
En effet, son opposition à son fondateur Abou Bakr al-Baghdadi en 2013 a abouti à la création d’un groupe militant rival (à l’époque le Front al-Nosra).
C’est donc bien un « traître » à la cause salafiste-jihadiste.
Le crime le plus grave qui lui est imputé est l’assassinat en 2023 du quatrième calife de l’État islamique, Abou Al-Hussein al-Husseini al-Qourachi à Idlib ainsi que l’arrestation et l’interrogatoire des membres de sa famille.
De manière à influencer les talibans qui sont proches du mouvement Al-Qaida, Daech soutient que ce sont les Américains qui ont fourni des informations au HTS pour qu’il neutralise des activistes de cette nébuleuse en Syrie.
La propagande présente aussi des rencontres entre des représentants des talibans afghans, des membres du HTS et des responsables turcs dont le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan comme la « preuve » d’un « complot international » qui unit la Russie, les États-Unis et l’État hébreu et leurs alliés régionaux contre l’EI.
Enfin, cerise sur le gâteau, Joulani a félicité le président Donald Trump pour son élection et s’est dit être impatient de travailler avec les États-Unis.
Pour montrer sa différence, l’EI avait qualifié peu de temps auparavant les incendies qui ravagent la Californie de « punition divine » tout en appelant les « loups solitaires » mettre le feu à proximité des zones habitées…
Si les talibans n’ont pas envoyé de félicitations à Washington, ils ont accepté un échange de détenus : deux Américains contre un trafiquant afghan dont la peine a été commuée par le président Joe Biden juste avant son départ de la Maison Blanche.
ISKP - Province de l’État Islamique au Khorasan
Le problème de l’ISKP dirigé depuis 2020 par l’Afghan Sanaullah Ghafari alias Shahab al-Muhajir est que sa « province » s’étend sur plusieurs pays : Afghanistan, Pakistan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan et plus secondairement l’Inde et le Bangladesh.
De nombreux jihadistes issus de ces pays sont allés mener la guerre en Syrie certains adhérant à d’autres formations dont le HTS.
Le message central de la direction de l’ISKP est d’affirmer que le HTS n’établira pas un gouvernement islamique « pur ».
Il exhorte les militants d’Asie centrale à ne pas faire confiance à Joulani parce qu’il ne leur permettra pas de revenir faire la guerre dans leur région d’origine à l’instar de l’attitude des talibans afghans qui font de même avec les groupes activistes de la même région présents en Afghanistan.
Fait inquiétant, les propagandistes tadjiks de l’ISKP ont également affiché en ligne un fort discours sectaire ciblant à la fois Damas et Kaboul pour la « protection » que les nouveaux pouvoirs accorderaient aux chiites, les premiers ennemis de l’EI.
En outre, les membres tadjiks de l’ISKP accusent le HTS d’étendre cette mansuétude aux communautés chrétiennes.
Conclusion
Il ne faut pas oublier l’augmentation de la présence de différents groupes se revendiquant de Daech sur le continent africain à travers différentes « provinces ».
Le groupe État Islamique ou ses provinces extérieures revendiquent de plus en plus d’actions terroristes de par le monde. Il est probable que la situation empire dans l’avenir en raison d’une ressource humaine de plus en plus importante au sein des populations de plus en plus jeunes et déshéritées. L’EI incarne pour elles le seul moyen vraiment efficace d’exprimer leur révolte.