Depuis le coup d’État de 2021, le Soudan se déchire dans des querelles internes qui ont débouché en avril 2023 sur une guerre fratricide meurtrière entre les partisans du chef des Forces armées soudanaises (SAF), Abdel Fattah al-Burhan, et ceux de la Force de soutien rapide (RSF) de Mohamad Hamdan Dagalo alias Hemedti.

Les deux généraux rivaux se disputent le contrôle du pays depuis plus de 13 mois. En décembre, les RSF ont pris le contrôle de l’État de Gezira, au sud de la capitale Khartoum, en décembre et ont été accusées d’y avoir perpétré de nombreuses exactions contre les civils, ce qu’elles ont toujours nié. Par ailleurs, d’intenses combats se poursuivent entre les RSF et les militaires à El Fasher, une ville du Darfour, à l’ouest du pays.

Dernier épisode sanglant en date, au moins 150 personnes, dont 35 enfants, auraient été massacrées il y a quelques jours par des membres des RSF dans le village de Wad al-Noura dans l’État de Gezira.

Le nombre de victimes dans tout le pays est estimé à plus de 15.000 morts depuis avril 2023.

Plusieurs cycles de pourparlers de paix se sont succédés mais ils n’ont pas réussi à mettre fin à la guerre.

Les Nations Unies affirment que les combats ont déclenché la plus grande crise de déplacement au monde et que des millions de personnes sont confrontées à une catastrophe alimentaire. Martin Griffiths, sous-secrétaire général des Nations Unies aux affaires humanitaires, a déclaré au début juin que jusqu’à cinq millions de personnes risquaient d’être exposées à la famine.

Politique de Moscou

L’envoyé spécial de la Russie au Moyen-Orient et en Afrique, le vice-ministre russe des affaires étrangères, Mikhail Bogdanov, en visite à Port Soudan à la fin avril 2024 a déclaré que la Russie reconnaissait que le « Conseil de souveraineté de transition » (TSC) dirigé par les SAF comme le « représentant légitime du peuple soudanais. »

Le lieutenant-général Bahri Ibrahim membre du TSC a ensuite rencontré l’ambassadeur de Russie au Soudan, Andrei Chernovo, pour discuter des relations bilatérales et de la coopération entre les deux pays.

Le lieutenant-général Yasir al-Atta qui dirige le corps de police militaire des SAF et également membre du TSC, a déclaré que la Russie avait promis de soutenir militairement le Soudan en échange d’une base navale permanente sur la mer Rouge.

Il a apporté les précisions suivantes : « Nous avons accepté cela, mais avons suggéré d’élargir la coopération pour inclure des aspects économiques tels que les entreprises agricoles, les partenariats miniers et le développement portuaire. La Russie a accepté cette portée plus large.»

Une délégation militaire devrait prochainement se rendre à Moscou suivie d’une délégation ministérielle conduite par le vice-président du « Conseil de souveraineté de transition », Malik Agar. Cet accord devrait être finalisé à l’issue de ces pourparlers.

Enfin, le ministre russe des affaires étrangères Segueï Lavrov s’est rendu à deux reprises cette année au Soudan, la dernière visite ayant eu lieu au début juinla dernière visite ayant eu lieu au début juin.

La Russie entretient des liens de longue date avec des éléments des Forces armées soudanaises mais depuis le début de la guerre civile, Moscou soutenait principalement la RSF en matière de formation et le matériel par l’intermédiaire du groupe Wagner. Elle le faisait afin de protéger ses intérêts en or soudanais qu’elle a utilisé pour aider à financer sa guerre en Ukraine et atténuer l’impact des sanctions occidentales.

On ne sait pas très bien comment cette relation va se  poursuivre après le soutien public de la Russie aux SAF affiché ces derniers temps.

Depuis la mort de Prigojine, les activités des mercenaires russes avaient connu une période de gel et de réévaluation des politiques potentielles. Les nouvelles orientations pro-SAF semblent être arrivées…

Et l’Iran ?

Ce réalignement va permettre à Moscou de se rapprocher de la ligne suivie par Téhéran dans la région. En effet, l’Iran a renforcé ses relations bilatérales avec les SAF depuis la fin de 2023 particulièrement en leur envoyant des drones.

Discrètement, la marine iranienne qui croise en mer Rouge bénéficierait depuis quelques mois de facilités à Port Soudan tenu par les SAF…

L’incontournable diplomate Mikhail Bogdanov cité plus avant a rencontré le vice-premier ministre iranien Ali Bagheri Kani deux jours avant de partir pour le Soudan fin avril. Ce dernier est depuis devenu ministre des affaires étrangères par intérim après la mort d’Amir Abdollahian dans un accident d’hélicoptère survenu le 19 mai.

Que va-t’il se passer avec les membres des forces spéciales ukrainiennes présentes au Soudan ?

Ce qui est étrange, c’est que selon le Wall Street Journal, Kiev aurait envoyé des membres des forces spéciales au Soudan en 2023 pour participer aux affrontements du côté des SAF. À cette occasion, des affrontements auraient eu lieu contre des membres de Wagner alors du côté des RSF. L’Ukraine et la Russie se retrouvent soutenir le même camp…

Plus globalement, une implantation à Port Soudan peut compléter utilement le dispositif russe qui se met en place progressivement sur le continent africain.

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Texte

Alain Rodier