Un coup d’État a été conduit en Guinée le 5 septembre par des membres du Groupement des forces spéciales (GFS) dirigé par le commandant (qui se présente aujourd’hui comme « colonel ») Mamady Doumbouya, un Malinké originaire de la région de Kankan à l’est du pays(1).
C’est en fait un ancien caporal de la Légion Étrangère rentré au pays en 2011 qui a été désigné en 2018 pour prendre le commandement du GFS avec le grade de chef de bataillon.
La presqu’île de Kaloum, centre névralgique de Conakry où siègent la présidence, les institutions et le centre d’affaires a été l’objet de tirs nourris le 5 septembre matin. Ce putsch a été mené par le Groupement des forces spéciales sous les ordres de Mamady Doumbouya. Le président Alpha Condé, 83 ans, arrivé au pouvoir démocratiquement (le premier dans ce cas) en 2010 avait été réélu le 7 novembre 2020 pour un troisième mandat après révision de la Constitution malgré les recours de son principal challenger, Cellou Dalein Diallo, et de trois autres candidats qui dénonçaient des «bourrages d’urnes» et des irrégularités de toutes sortes (la première étant d’avoir changé la constitution qui ne permettait que deux mandats successifs de cinq ans).
Il est apparu comme prisonnier sur un canapé du palais présidentiel avant d’être transféré vers un lieu inconnu. Il n’aura fallu que quelques heures aux putschistes pour se saisir de celui qui dirigeait le pays depuis onze ans.
Doumbouya a déclaré que « la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens, la gabegie financière […] ont amené l’armée républicaine à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple de Guinée ». Il a aussi annoncé la dissolution de la Constitution, du gouvernement, des institutions et la fermeture des frontières. Il a appelé ses « frères d’armes à l’unité » et à rester dans leurs casernes. Enfin, il a affirmé qu’un « Comité national du rassemblement et du développement, CNRD » avait pris le pouvoir.
Il faut savoir que 55% de la population guinéenne vit sous le seuil de pauvreté et que le chômage est très important (80% chez les jeunes). Le mécontentement est vif d’autant que de nombreuses victimes ont été à déplorer lors de la dernière élection présidentielle à la fin 2020. D’ailleurs, le coup d’État semblait bien accueilli dans les rues de Conakry dimanche après-midi.
Le soir, les putschistes ont annoncé à la télévision un couvre-feu « à partir de 20 heures sur toute l’étendue du territoire national », le remplacement des membres du gouvernement par les secrétaires généraux de chaque ministère pour expédier les affaires courantes et celui des préfets, sous-préfets, et gouverneurs de région par des militaires. Ils ont « appelé les fonctionnaires à reprendre le travail dès ce lundi » et convoqué les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion lundi en fin de matinée (à 13 heures heure de Paris) sous peine d’être considérés comme en « rébellion contre le CNRD ».
La communauté internationale a condamné unanimement le putsch : le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, le président en exercice de l’Union africaine (UA) Félix Tshisekedi, le président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) le Ghanéen Nana Akufo-Addo… La France s’est jointe à la condamnation de la Cédéao et à l’appel à « la libération immédiate et sans condition du président Condé ». Le chef de la diplomatie de l’Union Européenne, Josep Borrell, a invité « tous les acteurs à agir dans le respect de l’État de droit, de l’intérêt de la paix et pour le bien-être de la population guinéenne ». Les États-Unis ont pour leur part « condamné les événements qui se sont déroulés à Conakry ».
Ces derniers mois, la volonté affichée de Doumbouya de détacher le GPS du ministère de la Défense avait suscité la méfiance du président Condé. La rumeur de son arrestation prochaine avait même couru. Peut-être a t’il devancé l’échéance ?
Selon un communiqué des putschistes, Doumbouya possède plus de dix-huit années d’expérience militaire, notamment lors de missions opérationnelles (Afghanistan, Côte-d’Ivoire, Djibouti, République Centrafricaine) et de protection rapprochée (Israël, Chypre, Royaume-Uni, Guinée). Toujours selon la même source, il a aussi accompli la formation de spécialiste en protection opérationnelle à l’Académie de Sécurité Internationale (Israël), le cours de formation des commandants d’unité à l’École d’application de l’infanterie (E.A.I. – Thiès Sénégal), la formation d’officier d’État-major (E.E.M.L. – Libreville) et l’École de guerre de Paris. Sur le plan académique, il serait titulaire d’un Master 2 (bac + 5) défense et dynamiques industrielles à l’Université panthéon Assas… Toutes ces informations sont bien sûr à vérifier.
1. Les trois principales ethnies sont les Malinkés, les Peuls et les Soussous. Ces derniers se répartissent dans les quatre grandes régions géographiques de la Guinée. Les Malinkés résident surtout dans la « Guinée forestière » d’où leur surnom local : « les forestiers ».
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