Le Département d'État américain offre une récompense pouvant atteindre cinq millions de dollars pour toute information menant à l’arrestation et/ou à la condamnation du général à la retraite Antonio Indjai ancien chef d'état-major des forces armée de Guinée-Bissau.

Selon la note publiée sur le site du Département d’État, Antonio Indjai a dirigé une organisation criminelle qui a pris une part active au trafic de drogue en Guinée-Bissau et dans la région pendant de nombreuses années, même lorsqu’il était à la tête des forces armées du pays : « Indjai était considéré comme l’une des plus puissantes figures de déstabilisation de la Guinée-Bissau, opérant librement dans toute l’Afrique de l’Ouest, utilisant les produits illégaux pour corrompre et déstabiliser d’autres gouvernements étrangers et saper l’État de droit dans toute la région » précise le Département d’État.

En 2013, des procureurs américains l’avaient inculpé pour avoir stocké pour les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) des tonnes de cocaïne dont la vente avait financé l’achat d’armes pour les guérilleros et des pots-de-vin à destination de responsables en Guinée-Bissau.

De nombreux officiers supérieurs de l’armée avaient alors été accusés d’avoir transformé le pays en un Narco-État.

Le général Antonio Indjai a dirigé les forces armées de Guinée-Bissau après l’assassinat de son prédécesseur en 2009. Il a participé au coup d’État d’avril 2012 qui a renversé la président en exercice. Toutefois, il a été démis de ses fonctions en 2014 par le président de l’époque, José Mario Vaz.

Antonio Indjai fait l’objet d’une interdiction de voyager des Nations unies depuis mai 2012 en raison de sa participation au coup d’État cité précédemment.
Le président actuel, Umaro Sissoco Embalo, exclut l’extradition de l’officier général. Selon lui, si Antonio Indjai a commis un crime, il pourra être jugé par les juridictions nationales. Il a déclaré : « Aucun citoyen guinéen ne sera traduit en justice dans un autre pays ». Il a ajouté : « les accusations contre le général Antonio Indjai ne sont valables qu’aux États-Unis d’Amérique. Le général, qui vit en Guinée-Bissau, peut se déplacer à sa guise ».

Déjà en avril 2013, le contre-amiral Bubo Na Tchuto, le chef de la marine avait été piégé par des membres de l’agence américaine anti-drogue (DEA) agissant sous couverture et s’étant présentés comme des acheteurs potentiels. Il avait été capturé dans les eaux internationales au large du Cap-Vert. Emprisonné au États-Unis et jugé en mai 2014, il avait plaidé coupable du chef d’accusation de « conspiration pour importer des substances contrôlées ». Le 5 octobre 2016, il avait été condamné à quatre années de prison. Mais compte tenu des trois années déjà passées en détention et d’une remise de peine de six mois pour bonne conduite, il avait finalement été libéré plus tôt que prévu en octobre 2016. Il était rentré au pays et avait demandé de réintégrer l’armée, ce qui lui avait été refusé.

Depuis le début des années 2000, la Guinée-Bissau est classée dans la catégorie des narco-États par l’Office contre la drogue et le crime des Nations Unies (ONUDC), car ses dirigeants, même au plus haut niveau, sont impliqués depuis des années dans le trafic de drogue. En fait, ce pays est une plaque tournante pour toutes les drogues : la cocaïne qui provient d’Amérique latine, l’héroïne d’Afghanistan et d’Extrême-Orient, les drogues synthétiques qui sont maintenant composées dans des laboratoires nigérians, etc. Les produits stupéfiants arrivent dans le pays, sont stockés, puis repartent vers les clients majoritairement européens.

Depuis le coup d’Etat de 2012, la drogue arrive régulièrement par les airs. Prudentes, les nouvelles autorités privilégient des pistes discrètes dans les régions de Bafala, Gabu ou Cacheu. Auparavant, la drogue arrivait essentiellement par avion et par bateau via l’archipel des Bijagos, situé au large des côtes guinéennes. Ces îles, dont une partie a été achetée par des narcotrafiquants, sont équipées de pistes d’atterrissage de fortune datant de la guerre d’indépendance. Même la partie militaire de l’aéroport de Bissau était un lieu habituel de débarquement de drogue.

La corruption dans le pays est endémique car les fonctionnaires sont très mal payés, la seule prison de haute sécurité a été détruite en 1998 et n’a jamais été remplacée. La surveillance des frontières terrestre et maritime est inexistante. Aucune condamnation pour trafic de drogue n’a été prononcée durant ces dix dernières années.

Le pays est donc totalement à la dérive et seule l’économie générée par le trafic de drogue lui permet de survivre. En effet, des Sud-Américains fortunés ont investi dans l’immobilier, les hôtels, les casinos, alors que le tourisme et les affaires (légales) sont au point mort ! Tout cela sert vraisemblablement au blanchiment des capitaux criminels.

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Texte

Alain Rodier

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