Le général de division Salvador Cienfuegos Zepeda (72 ans), secrétaire d’État à la Défense sous le mandat du président Enrique Peña Nieto (2012-2018) a été arrêté le 15 octobre 2020 soir à l’aéroport de Los Angeles aux États-Unis à la demande de la Drug Enforcement Administration (DEA) alors qu’il venait y passer des vacances en famille. Il devrait être rapidement transféré à New York. Les charges retenues contre lui sont « association de malfaiteurs dans le but de produire, importer aux États-Unis et distribuer de la drogue entre 2015 et 2017 (alors qu’il était en fonctions) » et « blanchiment d’argent pour le compte du cartel H-2 », (héritier de l’organisation mafieuse des frères Beltran Leyva elle-même fraction dissidente du cartel de Sinaloa pour les régions de Nayarit et de Jalisco).

Le général avait joué un grand rôle dans la stratégie sécuritaire du président Nieto qui cherchait à se distinguer de son prédécesseur, Felipe de Jesús Calderón, en privilégiant le renseignement sur l’utilisation de la force. Il avait favorisé la constitution de groupe d’autodéfense dans les régions de Terra Caliente. Cette politique avait conduit à l’arrestation des frères Miguel et Omar Treviño, les leaders des Zetas (2013 puis 2015), de Servando Gómez, « La Tuta » de la Famille Michoacán en 2015 et surtout de l’ennemi numéro un et chef du cartel de Sinaloa, Joaquín « El Chapo » Guzmán (2014). Un an plus tard, « El Chapo » s’échappait de la prison de haute sécurité d’Altiplano mais était repris en 2016 par la police fédérale.
Il était extradé aux États-Unis en 2017 et condamné en 2019 à la perpétuité plus 30 années supplémentaires. Mais c’est dans cette même période que le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG) a profité de l’affaiblissement des autres organisations criminelles pour prendre progressivement la première place parmi les cartels les plus actifs au Mexique.
L’ancien secrétaire d’ État à la Défense est particulièrement soupçonné d’avoir informé ses correspondants mafieux des opérations de police avant leur déclenchement mais aussi de les avoir aidés à éliminer leurs concurrents directs. Toutefois, il aurait « trahi » le H-2 peu avant la fin de son mandat peut-être pour se donner une nouvelle virginité. Mais les preuves de sa compromission étaient déjà là, en particulier des enregistrements de conversations téléphoniques où il était désigné sous le surnom de « parrain ».

Alors que la violence avait décru au début du mandat présidentiel, la tendance s’est inversée durant sa deuxième moitié pour atteindre des sommets inégalés depuis 20 ans, l’armée se rendant coupable de nombreuses violations des droits de l’Homme. La corruption déjà existante s’est étendue au monde militaire particulièrement par l’intermédiaire de contrats d’achats d’armements et de matériels divers truqués.

Le témoignage d’El Chapo durant son procès aux États-Unis a vraisemblablement permis de dévoiler les nombreuses turpitudes de l’administration du président Nieto et de son prédécesseur. Peut-être qu’El Chapo ne voulait pas finir ses jours seul au pénitencier de haute sécurité de Florence (USP Florence ADMAX) surnommé l’ »Alcatraz des Rocheuses »).

Ce n’est pas la première fois que Washington arrête d’un ex-ministre mexicain de haut niveau. Ainsi, Genaro García Luna, le secrétaire d’État à la sécurité publique de 2006 à 2012 sous la présidence de Felipe Calderón croupit dans une prison américaine depuis 2019 en attendant son procès.

La situation sécuritaire au Mexique est inextricable du fait, en particulier, de la corruption qui est endémique dans ce pays. Elle couvre tous les niveaux de la société et des doutes perdurent même sur la conduite des présidents successifs.

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Alain Rodier

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