En mars 2007, Ivan Safronov, journaliste et éditorialiste au quotidien Kommersant tombait depuis une fenêtre de son appartement de Moscou. Ayant débuté sa carrière dans l’armée, il était colonel de réserve. Devenu journaliste, il s’était spécialisé dans les missiles et l’industrie militaire. Toutefois, le service de contre-espionnage, le FSB, s’était intéressé à lui suite à la parution d’articles traitant de sujets sensibles. À savoir qu’il avait dévoilé des échecs d’essais de missiles, la mort d’appelés du contingent durant des exercices et la corruption d’un certain nombre de responsables. Au moment de sa mort, il préparait un article sur la livraison de chasseurs bombardiers Su-30 à la Syrie et de Mig-29 à l’Iran. Selon le co-auteur Mikhail Zygar (et opposant au président Poutine), le dossier était bouclé mais l’article n’a jamais été publié. Les autorités ont parlé d’un « suicide ».
Son fils (également prénommé Ivan) âgé de 30 ans qui a suivi ses traces journalistiques a été arrêté le 7 juillet 2020 en vertu de l’art. 275 du Code pénal de la Fédération de Russie portant sur la haute trahison. Il est accusé par le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB) d’avoir « collecté et transmis des secrets d’État sur la coopération militaire et technique, la défense et la sécurité de la Russie […] à un service de renseignement de l’OTAN ». Il pourrait s’agir des services tchèques qui avaient démantelé en octobre 2019 un réseau d’espionnage piloté par l’ambassade de Russie à Prague. Le 7 juillet au soir, il a été placé en détention provisoire pour deux mois.
Diplômé de la Higher School of Economics de Saint-Pétersbourg en 2010, Safrovof avait été embauché par le journal où était employé son père au moment de son décès, le Kommersant. Il s’était aussi spécialisé dans le domaine de la défense et de l’espace. Son arrestation pourrait être liée à un article qu’il avait co-écrit avec Alexandra Dzhordzhevich et publié le 18 mars 2019 par Kommersantsur les exportations possibles de chasseurs multirôle Su-35 à destination de l’Égypte. Sa version internet avait rapidement été supprimée. M. Safronov a été par la suite licencié du quotidien moscovite en mai 2019 avec un autre journaliste après un article qui affirmait que la présidente de la chambre haute du Parlement russe, Valentina Matvienko, proche de Vladimir Poutine, pourrait démissionner de son poste (ce qui n’est pas arrivé). En solidarité, la rédaction du service politique avait démissionné en bloc mais en juin, le journal avait fait l’objet d’une enquête administrative pour « divulgation de secrets d’État ». À noter que Safronov avait aussi fait un bref remplacement du correspondant du Kommersant auprès du pool presse du Kremlin. Après avoir quitté Kommersant, il avait fait un passage au Vedomosti où il avait travaillé avec Alina Didkovskaya également arrêtée (puis relâchée) le 7 juillet.
En mai 2020, il avait été recruté comme conseiller en communications du Dimitri Rogozin directeur général de l’Agence spatiale russe Roscosmos. Ce dernier affirme que son arrivée récente et le fait qu’il n’avait accès à aucune information sensible laissent à penser que son arrestation n’a rien à voir avec son dernier emploi.
Le FSB est réputé pour son efficacité redoutable mais aussi pour sa paranoïa exacerbée (ce qui est une règle générale pour tous les services de contre-espionnage). Il conduit des opérations en Fédération de Russie mais aussi à l’étranger pour ce qui concerne le CE (contre-espionnage) et le CT (contre-terrorisme). Le SVR s’occupe du recueil de renseignements politiques et économiques, le GRU celui de renseignements à caractère militaire.
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