Une vidéo de plus de deux minutes diffusée le 12 décembre par le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (GSIM) montre Iyad Ag-Ghali délivrer un message qui fixe les nouvelles orientations de son mouvement suite à l’éviction de l’armée française de la région par les juntes militaires.
Selon la traduction effectuée par le spécialiste Wassim Nasr, il y fustige les «pouvoirs traîtres» (les putschistes du Mali, du Burkina et du Niger) et leurs nouveaux « alliés infidèles », les mercenaires russes de Wagner.
Il dénonce « les massacres des FAMa et de Wagner » ainsi que du capitaine Traoré, chef de la junte au Burkina Faso.
Lisant son discours derrière son ordinateur hp, le chef islamiste évoque le sort des civils qui, « dans cette période sanglante (…) se trouvent entre l’enclume des extrémistes et le marteau de l’armée, l’apostasie et les mercenaires de Wagner ».
Il affirme que l’alliance avec la Russie sera perdante, tout comme le fut celle avec « la France mécréante », dont la présence « a mené à l’élargissement du jihad ».
Dans le cadre de cette «nouvelle phase» des combats qui s’ouvre, le chef jihadiste annonce donc combattre non seulement l’EIGS, groupe salafiste-jihadiste concurrent, mais aussi la Russie et déclare ouvrir ses rangs à de nouvelles recrues.
Le chef islamiste termine son discours citant le conflit d’Israël dans la bande de Gaza commencé « il y a neuf semaines » – ce qui permet de dater l’enregistrement.aux alentours du 7 décembre.
Il remercie aussi les imams maliens qui ont réclamé le retrait de la notion de la laïcité de la nouvelle constitution malienne, sujet qui fait débat au Mali. Il les remercie d’avoir soutenu « les moudjahidin de Gaza ». Noter qu’il ne cite pas le Hamas qui globalement a été rejeté dans le passé par Al-Qaida pour ses liens avec l’Iran chiite.
De 2013 à 2019, l’État islamique au grand Sahara (EIGS) lié à Daech et le GSIM ont été combattus par la France lors des opérations Serval puis Barkhane. Depuis, les autorités putschistes des États sahéliens ont prié Paris de rapatrier ses troupes…
Iyad Ag Ghali (né en 1958) est un chef de guerre touareg malien reconverti dans le salafisme-jihadisme. Il a quitté le Mali dans les années 1970 pour rejoindre les troupes du colonel Kadhafi en Libye. Il a combattu au Liban et au Tchad avant de rentrer dans son pays où il a fondé le mouvement populaire pour la libération de l’Azawad (MPLA) puis le Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) avant de rallier le gouvernement malien après les accords de paix de 1992.
Il s’est ensuite tourné vers l’islamisme radical se rapprochant du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. Le GSPC a fait allégeance à Al-Qaida en 2007 et s’est renommé Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
En 2012, au début de la guerre du Mali, Ag Ghali a fondé le groupe salafiste-jihadiste Ansar Dine pour se joindre au combat d’AQMI.
En 2017, il a pris la direction du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ou Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn, (JNIM) né de la fusion de la plupart des groupes jihadistes maliens qui a fait allégeance à AQMI.
Suite à la diffusion de cette vidéo mais aussi à des attaques du mouvement concurrent EIGS(1), le 13 décembre les jihadistes de la Katiba Macina du GSIM ont attaqué le village de Farabougou qui abrite une petite garnison militaire.
Ils ont ciblé les soldats maliens et les villageois accusés de collaborer avec eux, notamment les chasseurs dozos qui servent de supplétifs aux FAMa. Il y aurait eu une cinquantaine de tués, une quinzaine de blessés et plusieurs dizaines de soldats et de villageois sont toujours portés disparus. Des renforts de l’armée provenant de Sokolo sont arrivés le soir même.
Le GSIM est très présent dans le cercle de Niono où se trouve Farabougou. Il conduit régulièrement des attaques meurtrières contre les FAMa et ses conseillers russes.
Ces derniers répliquent par de violentes opérations faisant de nombreuses victimes civiles. Par exemple à la fin novembre au moins une quarantaine de villageois ont été assassinés dans la commune de Nampala.
Bamako peut se faire du souci car les mouvements salafistes-jihadistes semblent, au minimum, coordonner leurs opérations et plus se combattre comme c’était le cas auparavant et comme cela se passe sur d’autres théâtres de guerre. De plus, ils ont beaucoup plus le champ libre depuis le départ des soldats français (ce qui explique qu’Ag Ghali peut apparaître alors qu’il se cachait étant une cible prioritaire).
1. Voir : « Combats au Mali » du 12 décembre 2023.
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