Le 18 octobre, la Turquie a procédé au test d’un nouveau missile sol-sol dont le développement était resté confidentiel jusqu’alors. Une vidéo a montré le tir du missile baptisé Tayfun (typhon) depuis la région de la Rize sur la mer Noire.

Ce nouveau système balistique à courte portée a été conçu par Roketsan, une des plus importante société publique d’armement turque . Le test a montré que ce missile pouvait atteindre des cibles situées à plus de 500 km en 456 secondes (la portée annoncée par les médias est de 561 kilomètres…

Les autorités turques se sont dites très courroucées de ce qu’elles ont qualifié comme étant une « fuite » dont elles rechercheraient l’origine. C’est la seconde plus grande agence de presse du pays, Demirören News Agency (DHA), qui a diffusé le film et donné les caractéristiques du missile. Les autorités ont demandé aux médias de censurer certaines informations, telles que les détails spécifiques sur la portée du missile.

Néanmoins Ankara prévoyait d’annoncer bientôt l’existence du missile Tayfun et il est vraisemblable que cette vidéo s’inscrit dans une campagne de relations publiques. Selon un responsable turc : « quoi qu’il en soit, si on voit le bon côté des choses, c’est une bonne publicité pour le Tayfun ».

Les missiles turcs

Trois autres missiles ont été précédemment développés dans le pays : Yıldırım (Éclair), Bora (Orage) et Khan (version améliorée du Bora) pouvant avoir une portée de 300 kilomètres.

La Turquie les a « testé au combat » en Syrie.

L’information de l’essai du Tayfun est parvenue aux médias grecs qui ont largement couvert ce développement. À remarquer que comme le missile Khan, le Tayfun est mis en œuvre à partir d’un véhicule 8×8 MZKT-7909 biélorusse équipé d’un moteur diésel TMZ-84631.10 développant 525 chevaux.

Sur la chaîne grecque ERT, le général (er) Frangoulis Fragos a déclaré que le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait ordonné de concevoir un missile pouvant atteindre les 2.500 kilomètres. Pour lui, « la Turquie serait alors en mesure de contrôler la région au sens large et de jouer le rôle de puissance régionale ».
Cela est possible puisque des projets MARK III et IV développés à partir d Yildirim B611 sont donnés pour une portée théorique de 900 et 2.500 kilomètres. Cela dit, il faudra de nombreuses années d’études pour parvenir à rendre ces nouvelles armes opérationnelles. D’ailleurs, même le Tayfun n’aurait pas terminé son développement et sa production en série ne pourrait débuter que dans plusieurs années.

Les menaces de la Turquie à la Grèce

Le 11 décembre, le président Erdoğan qui est actuellement en joute verbale avec la Grèce a fait état du Tayfun qui « pourrait atteindre Athènes […] et il le fera à moins que vous ne gardiez votre calme ».
Précédemment, le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu, avait menacé d’envahir la Grèce en ces termes « et soudain la Turquie arrivera au milieu de la nuit… ». Ankara exige qu’Athènes démilitarise ses îles en Mer Egée.

Il convient de replacer les déclarations bellicistes dans le cadre des élections qui auront lieu en 2023 en Grèce et en Turquie. Leur premier objectif est de toucher les électorats respectifs.
Les litiges entre les deux pays sont nombreux et surtout historiques mais, en dehors de l’invasion de Chypre en 1974 par la Turquie, ils se sont soldés jusqu’ici que par des incidents localisés. Les deux pays faisant partie de l’OTAN, les autres membres de l’Alliance – et en particulier les États-Unis – ont toujours tout fait pour calmer les choses avant que la situation n’ait dégénéré.

Cela dit, si pour la Grèce la Turquie est son premier problème militaire, l’inverse n’est pas vrai. Ankara doit gérer bien d’autres situations potentiellement conflictuelles en Méditerranée, au Proche et Moyen-Orient, en Mer Noire, etc. L’arrivée du nouveau missile Tayfun lui apportera des « arguments percutants » qui seront à prendre en compte par ses adversaires potentiels (voir carte ci-après).

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Texte

Alain Rodier

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