Profitant du fait que toute l’attention politique et médiatique est actuellement focalisée sur la guerre en Ukraine et ses conséquences, de nombreuses scènes de conflit se réveillent de par le monde, les acteurs locaux tentant d’accroître leur influence.

Il faut souligner que les intervenants habituels étatiques ou « privés », Américains, Européens ou Russes, ne semblent plus vouloir s’engager militairement les expériences récentes ayant conduit à des échecs qui ont laissé les populations dans une pire situation que celle qu’elles connaissaient auparavant.

La Libye en est l’exemple frappant. Elle a sombré dans le chaos après l’intervention internationale menée sous l’égide de l’ONU du 19 mars au 31 octobre 2011 qui a entrainé la chute et l’assassinat du dictateur Mouammar Kadhafi. En onze ans, ce pays d’Afrique du Nord a vu passer une dizaine de gouvernements, deux guerres civiles et n’est jamais parvenu à organiser une seule élection présidentielle.

Ainsi, le 26 août, de violents affrontements ont repris à Tripoli opposant les deux gouvernements rivaux : le premier d’Abdul Hamid Dbeibah dans la capitale libyenne, le second de Fathi Bashaga à Syrte. C’est la deuxième fois que ce dernier tente de s’imposer par la force à Tripoli(1).

En effet, depuis sa désignation en février par le Parlement siégeant dans l’Est, M. Bachagha a essayé de s’infiltrer dans la capitale pour y assoir son autorité, menaçant à plusieurs reprises de recourir à la force pour y parvenir.

Il est soutenu par le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen, dont les forces avaient tenté de conquérir sans succès la capitale en 2019.

M. Dbeibah qui est à la tête d’un gouvernement de « transition » (qui dure) affirme qu’il ne remettra le pouvoir qu’à un gouvernement régulièrement élu ce qui, en l’état actuel des choses est rigoureusement impossible.

Le gouvernement de « transition » est né début 2020 suivant un processus parrainé par l’ONU qui avait comme objectif principal l’organisation d’élections en décembre 2021 mais reportées indéfiniment en raison de forts désaccords sur la manière de procéder.

Les tensions entre groupes armés se réclamant de l’un ou de l’autre des dirigeants rivaux se sont considérablement exacerbées ces derniers mois à Tripoli. Déjà, le 22 juillet, des combats y avaient fait au moins 16 morts et une cinquantaine de blessés.
Ceux qui ont débuté le 26 août auraient – selon le ministère de la santé du Gouvernement d’union nationale (GUN) – causé la mort de 32 personnes dont au moins 17 civils et 159 blessés. Selon la presse locale, l’acteur Mustapha Baraka a été tué d’une balle dans la poitrine. En outre, six hôpitaux ont été touchés par des frappes.

La mission de l’ONU en Libye s’est elle aussi dite « profondément préoccupée par les affrontements […] dans des quartiers peuplés de civils » et appelle à « un arrêt immédiat des hostilités ».

Les États-Unis par la voix de leur ambassadeur en Libye Richard Norland condamnent l’explosion de violence et réclament l’ouverture de corridors humanitaire pour évacuer les civils et les blessés des zones touchées par les combats.

Les Russes se font discrets mais il se murmure que tous les mercenaires du groupe Wagner (et d’autres sociétés militaires privées pilotées par Moscou) sont rappelés au pays pour être ensuite redéployées en Ukraine. Le soutien du maréchal Haftar semble devenir secondaire pour le Kremlin.

Les seuls qui semblent encore en capacité d’intervenir à Tripoli sont les Turcs qui y ont déployé depuis 2019 des membres des forces spéciales et des mercenaires de la société SADAT. Mais il est difficile pour Ankara de se retrouver engagé sur plusieurs fronts, le principal se situant en Nord-Irak et en Nord-Syrie contre les « terroristes » kurdes.

1. Voir : « LIBYE : tentative de coup de force à Tripoli » du 19 mai 2022.

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Texte

Alain Rodier

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