Fathi Bashaga (à gauche sur la photo), un des deux Premier-ministre libyen a tenté le 17 mai de faire reconnaitre son pouvoir à Tripoli en s’infiltrant dans la ville avec le soutien de certaines milices dont la Brigade Nawasi (symboliquement affiliée au ministère de l’Intérieur sous le nom de 8ème Brigade.) De violents combats ont alors éclaté entre ses partisans et les milices du Premier ministre sortant Abdul Hamid Dbeibah (à droite sur la photo), notamment la Brigade 444 connue pour sa proximité avec la Turquie. Surpris par le manque de soutien rencontré, il a été obligé de quitter précipitamment la capitale libyenne.

Fathi Bashaga, ancien ministre de l’intérieur du Gouvernement d’Union Nationale (GUN) basé à Tripoli reconnu par la communauté internationale, a été élu au poste de Premier ministre le 10 février 2022. Il avait obtenu la confiance de la Chambre des représentants le 1er mars mais le Premier ministre précédent, Abdul Hamis Dbeibah, a refusé de lui céder la place estimant que le quorum n’avait pas été atteint et que des fraudes avaient eu lieu. Néanmoins, Bashaga a prêté serment le 3 mars et la Libye s’est retrouvée une nouvelle fois avec deux gouvernements.

D’une manière assez surprenante, Bashagha avait reçu le soutien de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar et du président du Parlement basé dans l’Est, Aguila Saleh qui s’étaient opposés au GUN par les armes et donc à son ministre de l’intérieur.

Pour son coup de force, Bashagha espérait être soutenu par les milices de la coalition « Bouclier de la Libye » jugée proches des islamistes radicaux (et en particulier d’Al-Qaida « canal historique ») mais elles ne sont pas venues au rendez-vous.

Mais il ne s’agit plus d’un conflit Tripolitaine- Cyrénaïque mais d’ententes entre acteurs clefs des deux régions. Bien qu’il soit lui-même un poids lourd de l’Ouest de la Libye, Fathi Bachagha n’a pas hésité à s’allier au sulfureux maréchal Haftar pour démontrer sa volonté d’unification de tous les libyens, sans doute une chimère étant donné le morcelage du pays en groupes armés, tribus et autres clans…

Suite à l’échec de sa tentative, Fathi Bashagha a déclaré s’être retiré pour éviter un bain de sang supplémentaire et a annoncé qu’il installerait son gouvernement à Syrte.
Il avait promis de relancer la production de pétrole qui était interrompue depuis le 18 avril par la Compagnie nationale de pétrole en Libye (NOC) sur deux sites pétroliers majeurs, le terminal de Zouetina et le champ d’al-Charara. La catastrophe politique se double désormais d’une catastrophe économique dont les premières victimes sont les Libyens mais qui pourrait impacter sérieusement l’Europe déjà confrontée à des difficultés d’approvisionnement en hydrocarbures depuis Les sanctions décrétées contre la Russie.

Cette opération ratée va entamer l’image de « rassembleur » de Bashagha au profit d’Abdul Hamid Dbeibah.
Ce dernier avait été désigné Premier ministre par intérim en 2021 suite à un savant montage politique supervisé par l’ONU. Le problème est qu’il a utilisé les revenus de l’industrie pétrolière à son profit.

L’Allemagne avait accueilli deux sommets pour consolider les processus électoraux mais le changement de gouvernement intervenu à Berlin en automne et la guerre en Ukraine l’ont fait délaisser le dossier.
La Turquie et le Qatar sont toujours derrière le gouvernement actuel – et provisoire – de Tripoli, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte soutenant Haftar. La Russie et le groupe Wagner qui aidaient également le maréchal se montrent pour le moment plus discrets.
Stephanie Williams, l’envoyée spéciale du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, fait ce qu’elle peut pour tenter de mettre de l’ordre dans la complexité du problème politico-économique dans lequel est plongée la Libye depuis l’intervention de l’OTAN en 2011 mais l’avenir parait bien sombre.

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Texte

Alain Rodier

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