La Lituanie restreint depuis le 18/19 juin le transit ferroviaire via son territoire vers l'enclave russe de Kaliningrad de marchandises russes frappées par les sanctions européennes. Cette liste comprend le charbon, les métaux, les matériaux de construction et tout ce qui a trait à de la technologie de pointe (ordinateurs, téléphones portables, etc.).

Le gouvernement lituanien a indiqué que ces restrictions étaient la conséquence directe des sanctions prises par l’Union européenne après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le chef de la diplomatie lituanienne, Gabrielius Landsbergis, a déclaré : « Ce n’est pas la Lituanie qui fait quoi que ce soit, ce sont les sanctions européennes qui ont commencé à fonctionner à partir du 17 juin ».
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a précisé : « Le transit par voie terrestre entre la Russie et Kaliningrad n’a pas été stoppé ni interdit. Le transit des passagers et des marchandises se poursuit. Il n’y a pas de blocus ».

La région russe de Kaliningrad ( Königsberg appartenant précédemment à la Prusse) est une enclave située au bord de la mer Baltique, séparée du reste de la Russie et frontalière uniquement de pays membres de l’Union européenne et de l’OTAN. Cette enclave peuplée de 437.000 résidents permanents accueille l’état-major de la Flotte de la Baltique. Elle avait été conquise après de rudes combats par l’Armée Rouge sur les Nazis en 1945. Elle a été cédée à l’URSS après la guerre en conformité avec les accords conclus lors des conférences de Yalta et de Postdam qui ont réuni les dirigeants des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’URSS. La zone fut vidée de ses habitants d’origine allemande – déportés pour la plupart en Sibérie – et remplacés par des Russes.

Après l’effondrement de l’URSS, Moscou proposa de rendre la ville à l’Allemagne mais Bonn refusa étant prioritairement occupé par l’intégration de l’Allemagne de l’Est.

Isolé géographiquement, ce territoire est ravitaillé majoritairement depuis la Russie par voie ferrée (voir carte), par la route qui emprunte le corridor de Suwalki situé entre la Pologne et la Lituanie, par un gazoduc qui traverse la Lituanie et par voies aérienne et maritime.

Selon Anton Alikhanov, le gouverneur de Kaliningrad, cette mesure va affecter de 40 à 50% toutes les importations. Il a demandé aux habitants de ne pas céder à la panique, deux navires assurant pour le moment le transport des marchandises. Sept nouveaux navires devraient être affectés à cette tache avant la fin de l’année.

Réaction russe.

Suite à cette mesure, la diplomatie russe a déclaré le 20 juin : « nous avons réclamé la levée immédiate de ces restrictions […] si le transit n’est pas rétabli en totalité, alors la Russie se réserve le droit d’agir pour défendre ses intérêts nationaux ». Le chargé d’affaires lituanien à Moscou a été convoqué au ministère russe des Affaires étrangères. Celui de l’UE est également sommé de s’expliquer.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a affirmé de son côté : « la situation est plus que sérieuse […] une analyse approfondie est nécessaire pour élaborer les répliques ».

Les pays Baltes sont très en pointe dans la crise qui oppose la Russie à l’OTAN dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine. Ils ont gardé des blessures encore ouvertes de la terrible occupation de l’URSS après la Seconde Guerre mondiale.

Mais Moscou peut difficilement se lancer dans une nouvelle aventure militaire alors que ses forces sont mobilisées en Ukraine. De plus, une agression directe de la Lituanie, membre de l’OTAN, entrainerait de facto l’engagement de l’article 5 qui obligé les autres pays de l’Alliance à intervenir.

Enfin et peut-être surtout, Kaliningrad va pouvoir continuer à être ravitaillé en matières « interdites » par l’UE via la mer et par le corridor de Suwalki. Ce geste est significatif sur le plan politique, bien moins sur celui de la logistique.

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Texte

Alain Rodier

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