La situation s’est dégradée dans les régions séparatistes du Donbass depuis le début de l’année. Les dirigeants des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, Léonid Passetchnik et Denis Pouchiline, avaient annoncé le 18 février l’évacuation des civils des deux républiques autoproclamées en 2014 vers la Russie tout en accusant l’Ukraine de vouloir déclencher une offensive. Les incidents se sont alors multipliés mais sans atteindre un niveau de guerre élevé. Ils ont surtout été utilisés comme prétexte à un processus qui semble avoir été concocté de longue date.

Son aboutissement a débuté le 19 février quand le président Poutine a assisté au lancement des manœuvres de l’armement stratégique « Grom 2022 » sans doute pour rappeler à l’OTAN la dangerosité de vouloir s’attaquer à pays doté d’armes nucléaires.

Le 23,  il a eu deux entretiens téléphoniques avec le président Emmanuel Macron. Ce dernier a fait le go-between avec le président Joe Biden. Il semblait qu’il était parvenu à obtenir à ce qu’une rencontre soit organisée entre les deux présidents américain et russe. Elle devait être mise sur pied dans le détail lors de la rencontre du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le secrétaire d’État Anthony Blinken qui devait se tenir le 24 février (dans les conditions actuelles, personne ne sait si elle va être maintenue). Mais il s’agissait vraisemblablement d’une diversion car le soir même du 20 février, le Kremlin annonçait qu’une telle entrevue était « prématurée ».

Le lendemain, Poutine réunissait son « conseil de défense » puis reconnaissait les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, proposition qui lui avait été faite par la Douma d’État la semaine passée et qui était prévisible(1). .

Un accord d’amitié et de coopération était  signé avec les deux présidents des nouvelles républiques autoproclamées qui avaient été convoqués pour l’occasion à Moscou. Cet accord comporte des passages inquiétants qui parlent de défense commune en cas d’agression extérieure (et l’Ukraine est désormais considérée par ces deux républiques populaires comme un pays « extérieur ») et le droit de construire, d’utiliser et de moderniser les infrastructures militaires, bases et autres installations sur les territoires des pays signataires. Il est évident que ce ne sont pas ces deux petits pays qui vont aller construire des bases militaires en Russie mais par contre l’inverse est vrai

D’ailleurs, le président Poutine a également donné l’ordre à ses troupes de se déployer dès que possible dans ces deux nouveaux pays en tant de « soldats de la paix ». L’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) qui réunit depuis 2002 l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Khirghizistan, la Russie et le Tadjikistan pourrait être mise à contribution comme cela a été le cas au début janvier au  Kazakhstan(2). Toutefois, cela pose le problème de la reconnaissance des deux républiques du Donbass par ces pays, ce qui serait très mal perçu en Occident.

La première conséquence visible de ces derniers évènements est que le processus de Minsk négocié en 2014-2015 qui, en échange d’un cessez-le-feu, prévoyait une large autonomie de ces deux provinces est désormais caduque.

La majorité des pays siégeant au Conseil de sécurité de l’ONU ont condamné ces reconnaissances et des sanctions sont envisagées, pour le moment en ordre dispersé, Poutine ayant réussi encore  une fois à surprendre en ne faisant pas ce que l’on attendait exactement (l’offensive générale). La Chine a juste déclaré : « nous pensons que tous les pays doivent résoudre les différends internationaux par des moyens pacifiques conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies »…

Il est difficile de prévoir ce qui va se passer. Un exemple historique relativement similaire est la Géorgie. Moscou a reconnu fin août 2008 l’indépendance de l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud qui sont considérés par Bakou comme des « territoires sous occupation russe ». Seuls le Nicaragua, le Venezuela, le Nauru et le Tuvalu ont ensuite reconnu ces deux régions sécessionnistes. Les relations diplomatiques entre la Russie et la Géorgie ont été rompues.

 

1. Voir : « Ukraine. Cette fois, on n’est pas loin de l’incident incontrôlable » du 14 février 2022.
2. Voir : « Kazakhstan : encore une révolution que personne n’a vu venir » du 7 janvier 2022.

 

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Texte

Alain Rodier

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