Depuis des semaines, des responsables politiques européens des pays baltes et de Pologne ainsi que des élus américains réclament le déclenchement de sanctions contre la Russie même avant qu’un seul blindé russe n’ai mis une roue sur le sol ukrainien. Il s’agit de « punir » Moscou pour son attitude agressive traduite par des manœuvres militaires répétées aux frontières de l’Ukraine mais aussi pour répondre aux dernières cyber-attaques qui ont visé des ministères à Kiev(1).

Le sénateur démocrate américain Chris Murphy a d’ailleurs confirmé le 9 février que la mise en oeuvre de « sanctions pré-invasion » était sérieusement discutée.

Or un évènement pourrait servir de déclencheur aux sanctions : il est possible que la Douma reconnaisse officiellement la République populaire de Donetsk (RPD) et la République populaire de Lougansk (RPL) ce qui sera considéré comme totalement inacceptable par l’Occident en général et les États-Unis en particulier.

Un autre élément important est venu s’ajouter à l’affaire. Les manœuvres aéronavales  russes qui bloquent quasi complètement la mer d’Azov et la mer Noire du 13 au 19 février. Moscou avait informé les pays riverains que la Russie allait conduire un grand exercice naval au cours duquel des tirs réels d’artillerie et de missiles seront effectués. Ces zones d’interdiction temporaires (voir carte) sont destinées à assurer la sécurité des navires et aéronefs évoluant sur zone.

L’ambassade américaine en Ukraine a déclaré : « sous le prétexte d’exercices militaires, la Russie restreint la souveraineté maritime ukrainienne, limite la liberté de navigation en mer Noire et d’Azov et empêche le trafic maritime essentiel pour l’économie de l’Ukraine ».

Cet exercice aéronaval est lié aux manoeuvre aéroterrestres « Allied Resolve 2022 » qui se déroulent en Biélorussie jusqu’au 20 février. Engageant 30.000 militaires russes aux côtés des forces biélorusses, elles sont les plus importantes dans cette région depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. L’ambiance est donc délétère malgré les démarches diplomatiques engagées par les Européens depuis le début de l’année pour tenter d’obtenir une désescalade.

Mais ces démarches sont sabordées par la Maison-Blanche et la Grande Bretagne qui répètent « sanctions, sanctions, sanctions… ». Face à cela, le Kremlin durcit ses positions allant jusqu’aux provocations (l’ambassadeur Russe auprès de l’UE a déclaré dans un propos inhabituel : « les sanction, on en a rien à f… ».

 

Le 10 février, le président Joe Biden a appelé tous les citoyens américains étant en Ukraine à quitter le pays par les moyens de transports commerciaux car, en cas d’offensive russe, aucun soldat américain ne sera dépêché sur place – comme cela avait été le cas en Afghanistan – pour les évacuer. Il tient à éviter le déclenchement d’une guerre contre la Russie (mais prend des précautions, au moins trois bombardiers B-52 ayant été envoyés en renfort à Fairford en Grande Bretagne ces derniers jours et quatre chasseurs F-22 Raptor ayant rejoint la base aérienne de Powidz en Pologne où devraient aussi arriver les 3.000 parachutistes de la 82è Airborne qui avaient été mis en alerte fin janvier).

 

L’hypothèse qui semble se préciser est que Washington se prépare à lancer ses sanctions économiques, politiques et diplomatiques contre Moscou. Mais La Maison-Blanche sait que la Russie ne se sentira alors plus empêchée de mener une offensive en Ukraine. En effet, militairement elle ne risque pas grand-chose puisque aucun pays de viendra au secours de Kiev qui se sent bien seul depuis qu’une vingtaine de représentations diplomatiques occidentales ont été fermées et que les instructeurs américains et britanniques ont été retirés. Les sanctions « après action militaire » ne pourront pas être vraiment plus importantes.

C’est à se demander si cela n’avait pas été fomenté à l’avance tant la volonté de Washington de remettre la Russie au niveau d’une puissance régionale qui ne concurrence pas son leadership mondial est un des éléments centraux de sa politique étrangère. Si les sanctions sont prises après une éventuelle reconnaissance des républiques séparatistes du Donbass par Moscou, il est possible que ces dernières appelleront le « grand frère » russe à l’aide. Difficile de prédire ce que le président russe décidera dans la mesure où il ne le sait peut-être pas lui-même aujourd’hui.

1. Aucune preuve de l’implication de Moscou dans ces actions n’a été apportée.

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Texte

Alain Rodier

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