La « brigade des Géants » (al-Amaliqa) qui est soutenue par les Émirat Arabes Unis (EAU) qui avait regagné du terrain sur les forces houthies ces dernières semaines(1) a déclaré qu’elle se repliait abandonnant les terres conquises en particulier dans la région de Shabwah. Depuis le 17 janvier, les EAU sont ciblés par des tirs de missiles et de drones revendiqués par les Houthis.

Depuis 2021, les Houthis étaient à l’offensive au Yémen dans les gouvernorats de Ma’rib et de Sabwah repoussant les forces gouvernementales du président Abdrabbo Mansour Hadi et présentant un risque de couper le gouvernorat d’Abyan de celui d’Hadramaout. Cela aurait été catastrophique pour les forces du « Conseil de transition du Sud » (CTS), successeur du mouvement séparatiste d’Aden « Al-Hirak » soutenu depuis 2015 par les EAU.

Les Émirats ayant rapatrié la plupart de leurs forces terrestres présentes au Yémen, ils continuaient à se servir de la « brigade des Géants », une unité constituée majoritairement de milices sudistes pour défendre leurs intérêts. Cette unité a lancé une contre-offensive exceptionnelle fin 2021/début 2022 qui a chassé les Houthis de la région de Shabwah et bloqué leur avance dans celle de Ma’rib. Ce revers au son était l’un des premiers connus par les rebelles yéménites depuis 2014.

Mais la donne a changé. Mohammed ben Zayed ben Sultan ou MBZ membre de la famille Al Nahyane, prince héritier et ministre de la Défense d’Abou Dhabi, ne s’était jamais attaqué au sol aux Houthis mais avait choisi de défendre la cause des « Sudistes » car leur implantation géographique le long du Golfe d’Aden et dans l’île de Socotra est considérée comme stratégique (politiquement, économiquement et militairement) s’est rendu compte que la riposte que ces derniers avaient lancé avec des missiles et des drones était extrêmement dommageable pour l’image de marque des EAU qui jusque là étaient considérés comme sûrs, ce qui est rare au Proche-Orient.

Certes, ce ne sont pas les dégâts physiques et les pertes humaines qui sont restés limités qui ont provoqué ce revirement mais le fait que cela pouvait « nuire aux affaires » en particulier au rapprochement avec la Chine qui déplaît au plus haut point à Washington. Il se dit même que lors de la première frappe du 17 janvier visant la ville d’Abou Dhani (trois travailleurs étrangers tués, six autres blessés), les Américains qui suivi sur leurs radars et avec leurs satellites le parcours des missiles et autres drones(2) qui ont parcouru quelques 1.200 kilomètres (pour certains drones, un trajet de quatre heures) et se sont bien gardé de prévenir leurs « amis » émiratis… Ils se sont repris une semaine plus tard (le 24) lançant des missiles Patriot pour intercepter deux engins balistiques au dessus de la base aérienne d’Al-Dhafra.

Les EAU augmentent leur défense anti-aérienne déjà armée de « Terminal High Altitude Area Defense » -THAAD- dont l’un aurait été mis en œuvre avec succès le 17 janvier, des batteries Patriot MIM-104F (PAC-3) et des batteries russes Panstir S-1. Un contrat de 3,5 milliards de dollars a été signé au début de l’année pour acheter le système sud-coréen Cheolmae II / Cheongung II M-SAM dont les missiles d’origine russe équipent les S-400.

Le jeu de MBZ est difficile à suivre : allié du prince saoudien Mohamed Ben Salmane, MBS – mais sans plus – , lié aux États-Unis et aux pays occidentaux mais ne s’interdisant pas de frayer avec l’Iran, la Russie et la Chine, qu’a-t’il voulu faire en s’attaquant aux Houthis ?

Pragmatique, il sait cependant tirer les leçons d’un échec (relatif) pour réorienter sa politique dans l’intérêt des EAU. Le problème c’est que les Houthis qui ont senti le point de faiblesse des EAU ne pensent pas s’arrêter en si bon chemin et exigent qu’ils cessent de participer à la guerre du Yémen en particulier en n’engageant plus leur aviation. Cette dernière a d’ailleurs détruit un système de lancement de missiles des Houthis dans la province d’Al-Jawf après le raid du 27 janvier. Ils menacent d’intensifier les opérations offensives contre les intérêts des EAU dans le semaines et mois qui viennent.

1. Voir : « les rebelles houthis frappent les Émirats arabes unis » du 19 janvier 2022.
2. Le drone Sammad-3 drones – du nom de Saleh al-Sammad, le numéro deux de l’insurrection houthie a qui été tué en 2018 – peut emporter une charge militaire de 40 kilos à 1.600 kilomètres de distance. Il bénéficie d’un guidage GPS préprogrammé.

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR