Le Mali a été placé sous un véritable embargo par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) suite à la décision du colonel Assimi Goïta de porter de six mois à cinq ans la période nécessaire avant la tenue d’élections qui permettraient le retour d’un gouvernement civil.

En effet, en décembre 2021 à l’issue des « Assises nationales pour la refondation », Assimi Goïta a suggéré de tenir un référendum constitutionnel en janvier 2024, des élections législatives et sénatoriales en novembre 2025 et l’élection présidentielle en décembre 2026.
La Cédéao s’était montrée pour le moins « compréhensive » lors du coup d’État d’août 2020 acceptant alors de discuter avec la junte. Des élections avaient alors été prévues pour 2022. Mais en mai 2021, un deuxième coup d’État avait changé la donne, le colonel Goïta exigeant en décembre leur report en 2024-2026.
En conséquence, les quinze chefs d’États de la Cédéao ont considéré que le colonel s’était moqué d’eux et ont fermé leurs frontières avec le Mali tout en déclenchant un embargo économique.
Si Goïta se dit toujours prêt à discuter avec la Cédéao, cette dernière exigera sans doute en préambule la tenue d’élections dans des délais beaucoup plus courts.

La situation sécuritaire au Mali devrait continuer à se dégrader car les difficultés politiques, sécuritaires et économiques ne sont pas prêtes d’être réglées puisque la junte ne mène aucune des réformes nécessaires. Le blocus économique ne va pas arranger les choses.
À noter que les sanctions de la Cédéao ont aussi été décidées en réaction à l’arrivée supposée sur le sol malien de membres de la société de sécurité privée russe Wagner(1). Un responsable militaire français aurait déclaré (naturellement sous couvert d’anonymat) : « Je dirais qu’il y a environ 300-400 membres de Wagner et il y a aussi des instructeurs russes, qui fournissent des équipements ». Pour Bamako, seuls des conseillers militaires russes sont présents. Ils sont particulièrement chargés de former les personnels au maniement des armes qui ont été livrées comme les quatre hélicoptères Mi-171 (en décembre 2021).

Au niveau international, la France, l’Union européenne et les États-Unis soutiennent les sanctions mais une résolution proposée par Paris au Conseil de sécurité de l’ONU soutenant l’action de la Cédéao a rencontré le veto de Moscou et de Pékin.
Le voisin algérien du Mali, un allié incontournable de Bamako, a demandé aux militaires maliens d’adopter « une attitude responsable et constructive ». Le président algérien Abdelmadjid Tebboune juge « raisonnable et justifiable une période de transition d’une durée ferme de 12 à 16 mois » ce qui consiste à désapprouver Goïta.

1. Moscou sait jouer avec le mythe du « soldat de fortune », tournant même des films à leur gloire. Si la société Wagner existe bien (elle n’a pas son siège en Russie où le mercenariat est interdit sur le papier), elle véhicule des images qui plaisent au grand public et qui attirent donc l’intérêt des medias. Quant à leur efficacité opérationnelle réelle, elle est pour le moins sujette à caution.

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Alain Rodier

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