Selon l’armée nigériane, le wali (gouverneur) de la province de l'État islamique d'Afrique de l'Ouest (ISWAP) Abou Mousab al-Barnawi aurait été tué dans l’État de Borno.

Le chef d’état-major nigérian, le général Lucky Irabor, a déclaré à son propos : « Il est mort et reste mort » mais il n’a donné aucune précision quant aux circonstances du décès de Barnawi (à droite sur la photo). Il convient de toujours rester prudent avec ce type d’information qui parfois s’avère être fausse. D’ailleurs, Barnawi avait déjà été déclaré tué en août de cette année ! On se rappelle que son grand rival Abubakar Shekau (à gauche sur la photo) avait lui aussi été considéré comme mort à plusieurs reprises avant de réapparaître plus virulent que jamais. Il a fini par être définitivement neutralisé en mai 2021(1) par des hommes de l’ISWAP emmenés par al-Barnawi.

Il est à noter que la confirmation officielle de la mort d’un activiste d’importance vient quand un éloge funèbre est émis par le mouvement auquel le défunt appartenait. L’ISWAP n’a pas, pour le moment, fait de commentaire sur les déclarations des militaires nigérians.

L’ISWAP est considéré comme le groupe jihadiste le plus puissant du Nigeria depuis la disparition de l’émir de Boko Haram, Abubakar Shekau évoquée ci-avant. En effet, de nombreux activistes se seraient rendus aux autorités et un certain nombre auraient rejoint l’ISWAP.

Al-Barnawi né Habib Yusuf, se disait le fils aîné du fondateur de Boko Haram, Mohammed Yusuf, assassiné en 2009 alors qu’il venait d’être arrêté.
En 2016 al-Barnawi(1) fait dissidence de Boko Haram en prenant la tête d’une fraction du mouvement qui est reconnue comme la branche officielle de Daech en Afrique de l’Ouest et d’obtient le statut de « province » (ISWAP). Une guerre sans merci est déclenchée entre les deux formations qui se revendiquent chacune de Daech mais c’est bien Barnawi qui aurait obtenu l’investiture officielle d’Abou Bakr al-Baghdadi. Quand il neutralise Shekau dans la forêt de Sambisa, l’ISWAP affirme que l’opération a été menée sur ordre direct du calife Abou Ibrahim al-Hashimi al-Qurashi, le successeur d’al-Baghdadi (tué par les Américains en Syrie en octobre 2019). Al-Barnawi déclarait en juin : « Quand il était temps, Allah a envoyé de braves soldats après avoir reçu des ordres du chef des croyants ».
Sous sa direction, ces dernières années l’ISWAP a gagné des territoires dans le nord du Nigeria et dans le bassin du Tchad. Le mouvement est également présent au Burkina Faso, au Cameroun, au Tchad, au Niger et au Mali.

Si sa perte est confirmée, c’est effectivement un coup dur pour le mouvement car des luttes internes risquent de reprendre le temps qu’un nouveau wali ne soit désigné. Cela devrait aussi relancer Boko Haram qui est loin d’avoir totalement disparu.
Plus généralement, Daech subit depuis des semaines de lourdes pertes parmi ses cadres. Ainsi, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, l’émir de l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) a été neutralisé par l’armée française en septembre (mort confirmée par Daech). Sami Jasim Muhammad al-Jaburi alias Hajji Hamid, le financier irakien du mouvement a été arrêté par les services irakiens avec la participation de leurs homologues turcs à la mi-octobre (3), etc.
Le seul problème est que les « neutralisés » sont généralement rapidement remplacés par de nouveaux responsables qui partagent la même idéologie politico-religieuse salafiste-jihadiste. C’est cette dernière qu’il conviendrait de combattre mais personne ne semble savoir comment s’y prendre…

1. Voir : « Nigeria : mort probable d’Aboubakar Shekau » du 21 mai 2021.
2. Voir : « Lac Tchad : combats entre jihadistes » du 04 octobre 2021.
3. Voir : « Irak – Turquie : capture d’un responsable de Daech » du 14 octobre 2021.

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Texte

Alain Rodier

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