Pour la première fois dans l’Histoire du Japon, un boss yakusa a été condamné le 24 août à la peine capitale par pendaison par le tribunal de Fukuora (sud-ouest du Japon). Satoru Nomura (74 ans) est le chef du Kudo-kai, un groupe criminel organisé de Kitakyushu, dans l'île de Kyushu (sud-ouest du Japon), connu pour être particulièrement violent.

Cependant, cette organisation ne compterait plus que 220 membres contre plus d’un millier il y a dix ans. Il est à remarquer que le confinement qui a accompagné la Covid-19 a fait perdre beaucoup de membres aux Yakuzas. En effet, leurs activités premières qui sont le racket, les trafics de drogues, les jeux et la prostitution ont perdu nombre clients bouclés à domicile. La nature ayant horreur du vide, cela aurait profité à la petite voyoucratie qui n’a pas les mêmes codes d’« honneur » (tout est relatif, surtout l’honneur, chez les mafieux) que les Yakuzas.

Nomura a été arrêté en septembre 2014 pour le meurtre par arme à feu le 18 février 1998 de Kunihiro Kajiwara qui dirigeait la coopérative des pêcheurs locaux. Selon la presse, la victime a sans doute payé de sa vie son refus de céder au racket pour des travaux portuaires. Nomura est aussi accusé d’avoir commandité trois tentatives de meurtre entre 2012 et 2014 dont celui d’une infirmière (28 janvier 2013) qui l’avait pris en charge (pas correctement à son goût) après une intervention chirurgicale visant à augmenter la taille des ses organes génitaux. Il avait aussi inscrit sur sa kill list un ancien policier qui avait enquêté sur son organisation puis un membre de la famille de sa première victime (officielle).

Le condamné qui nie farouchement les faits a menacé le tribunal : « j’avais demandé un verdict équitable […] vous allez regretter cela pour le reste de votre vie ». Malgré le manque d’éléments prouvant qu’il était le commanditaire des crimes pour lesquels il était jugé, le tribunal a suivi les réquisitions du parquet qui avait fait valoir que Satoru Nomura exerçait un contrôle absolu sur les activités du Kudo-kai et que lui seul décidait en dernier ressort. Ses menaces sont à prendre au sérieux car ce ne serait pas la première fois qu’un membre de la magistrature et des membres de sa famille sont assassinés en représailles par des Yakuzas.

Fumio Tanoue (65 ans), le numéro deux du Kudo-kai, a été condamné pour les mêmes faits à la perpétuité.

Les Yakuzas – la mafia japonaise – ont été longtemps tolérés au Japon, considérés comme un mal nécessaire. Ils assuraient le maintien de l’ordre et exécutaient quelques basses œuvres comme briser des grèves ouvrières ou récupérer des créances par la menace. À la différence des leurs homologues chinoises (les Triades), les mafias japonaises s’expatrient difficilement. Elles pallient à ce défaut en s’alliant avec elles pour mener des activités criminelles en dehors du Japon, particulièrement dans le « triangle d’or » : Birmanie – Laos – Myanmar. Toutefois, elles restent les maîtres sur l’archipel nippon ne tolérant aucune ingérence sans « autorisation ». Depuis une dizaine d’années, les autorités se montrent plus répressives et tentent d’assécher leurs sources de financement ce qui explique en partie leur (relatif) déclin.

Les autorités répertorient 22 organisations dont les plus importantes sont les Yamaguchi-gumi, les Sumiyoshi-rengō, les Inagawa-kaï et les Tōa Yuai Jigyō Kummiai (pour cette dernière composée d’une majorité de Coréens d’origine). Elles compteraient 80.000 membres et associés. À noter que le Kudo-kai est à la tête d’une fédération opposée au Yamaguchi-gumi. La guerre des gangs est aussi une réalité dans l’Empire du Soleil levant.

Avec une centaine de détenus dans le couloir de la mort, le Japon est l’un des rares pays démocratiques (avec les États-Unis) à continuer à appliquer la peine capitale. La dernière exécution date de décembre 2019 et il y en a eu 46 ces dix dernières années.

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Texte

Alain Rodier

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