L’information est à prendre avec beaucoup de précautions quand on connaît la source habituée à raconter n’importe quoi : l’ex-président iranien Mahmoud Ahmadinejad qui ne digère pas d’avoir été écarté par le Conseil des gardiens de la constitution de la course à l’élection présidentielle (en raison de ses critiques des leaders iraniens depuis 2017) qui va se tenir le 18 juin.

Il a ainsi affirmé qu’un « haut responsable des services de renseignement chargés de contrer les espions israéliens en Iran était lui-même un agent d’Israël ». Il n’a pas donné son identité… Sans le dire vraiment ouvertement, il a exclu Mahmoud Alavi, le ministre du renseignement (connu sous le nom de Vevak puis Vaja) depuis août 2013, disant juste qu’il avait été « trompé » par de faux rapports.

Il a attribué les derniers succès du Mossad (quasi-officialisés par son ancien directeur général, Yossi Cohen lors d’une interview accordée le 10 juin) à cette infiltration, cette source faisant partie d’un « gang corrompu » ayant fourni aux Israéliens les renseignements nécessaires pour réaliser leurs opérations : le sabotage le 11 avril 2021 de l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz et l’assassinat ciblé du scientifique Mohsen Fakhrizadeh le 27 novembre 2020 (qui était sous surveillance depuis de longs mois).

À propos du vol de très importantes archives concernant l’effort nucléaire iranien à Torquzabad près de Téhéran en février 2018, Cohen a déclaré qu’il avait engagé plus de 20 agents du Mossad « non Israéliens » ajoutant qu’ils sont tous en vie et que certains d’entre eux avaient quitté l’Iran. Là aussi, il convient de prendre ces informations comme des manoeuvres d’influence. Ahmadinejad a évoqué pour sa part des « camionnettes » qui étaient sorties d’Iran avec les documents tant ils étaient nombreux (ce qui a été effectivement confirmé par la suite).

Ce qui est étrange, c’est que le ministre du renseignement aurait été lui-même « désinformé » sur cette opération. Il lui a été rapporté que les voleurs étaient passés par des immeubles avoisinants alors qu’en réalité ils se sont introduits en perçant les toits. Il lui a aussi été rapporté qu’ils avaient été arrêtés… Il est vrai que des suspects ont été appréhendés dont Maziar Ebrahimi qui a pu parler aux medias après sa libération faute de charges suffisantes. Il a affirmé qu’il avait été contraint de faire des aveux (d’être un agent du Mossad) sous la torture.

Ahmadinejad tente vraisemblablement de se venger de son éviction de l’élection présidentielle dont le vainqueur devrait être – selon les derniers sondages – le conservateur Ebrahim Raïssi qui a fait sa carrière dans la justice .
Il détient certainement des informations parcellaires qui ne sont pas forcément fausses. Que le Mossad ait recruté des sources de haut niveau en Iran n’étonnerait aucun observateur d’autant que les opérations citées plus avant n’ont pu se faire qu’avec des renseignements extrêmement

De plus, Ahmadinejad entretiendrait un ressentiment personnel à l’égard d’Hussein Taeb qui est à la tête du service de renseignement des pasdarans (Sazman-e Etela’at-e Sepah) depuis 2009. Mais ce dernier n’est pas le seul qui peut attirer les soupçons car les organismes de protection et de renseignement au sein des pasdarans sont nombreux :
. le service de protection et de renseignement pour les affaires intérieures (Sazman-e Hefazat-e Etela’at-e Sepah) dirigé par le brigadier général Mohammad Kazemi ;
. L’organisation de protection et de renseignement (Sazman-e Hefazat-e Sepah) commandée par le brigadier général Ali Nasiri.

Et en dehors des pasdarans, il existe également une multitude d’autres organismes traitant des mêmes sujets :
. le bureau 101 rattaché directement au Guide suprême de la Révolution,
. le Bureau de sauvegarde du renseignement de l’armée,
. le J-2 de l’état-major général, qui a particulièrement en charge le renseignement fourni par les satellites,
. l’Unité de renseignement et d’enquête du bureau du Premier ministre,
. la Direction de la sécurité des milices bassidjis,
. l’Unité du renseignement des komitehs de la révolution islamique,
. le Bureau du renseignement du Procureur de la Révolution.

Il serait bien étonnant que les Israéliens n’aient pas tenté d’aller pêcher des sources dans ces objectifs vitaux pour la sécurité d’Israël.

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Texte

Alain Rodier

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