Pour la première fois depuis l’existence de la République Islamique d’Iran, deux navires de guerre sont entrés dans l’océan atlantique Sud en contournant l’Afrique du Sud.

À l’évidence, il s’agit d’un geste de politique intérieure qui n’a pas réellement de portée opérationnelle. Téhéran veut démontrer que le naufrage de son plus imposant navire de guerre, le ravitailleur Kharg 431, le 1er juin (1) n’a pas eu de conséquence sur les capacités de ses forces navales ni sur la détermination de ses dirigeants juste avant l’élection présidentielle qui doit se tenir le 18 juin prochain.

Les navires concernés sont la frégate Sahand 74 de 95 mètres (entré en service le 1er décembre 2018) et un navire-base polyvalent Makran 441 (un ancien pétrolier reconstruit) long de 228 mètres commissionné en janvier 2021.

Le 10 juin, le vice-amiral Habibollah Sayyari, l’adjoint au chef d’état-major des armées ( le major général Mohammad Bagheri ) chargé de la coordination des forces et ancien commandant en chef de la marine iranienne entre 2007 et 2017 a déclaré : « cette 77e Flotte [NdA, en réalité ces deux navires] a quitté Bandar Abbas le 10 mai et après une longue navigation de 30 jours en passant le Cap de Bonne-Espérance parcourant 6.000 miles nautiques, presque 12.000 kilomètres ; est actuellement dans l’Atlantique ». Selon lui, ces deux navires devraient poursuivre leur course vers l’Atlantique Nord (2). Il a précisé que la Marine iranienne avait pour mission de défendre l’espace maritime iranien et mais aussi de protéger ses ressources et ses intérêts à la mer. À l’évidence, ces deux navires ont quitté leur port d’attache, la base navale de Bandar Abbas pour être déployés en Mer d’Arabie avant la catastrophe du ravitailleur Kharg 431.

Ils n’ont dû recevoir l’ordre de contourner le continent africain qu’à ce moment là. Sachant que la frégate iranienne peut tenir à la mer 150 jours sans entretient si elle est accompagnée d’un ravitailleur, ce qui est le cas (le Makran peut théoriquement tenir trois ans à la mer), il lui reste donc 120 jours de potentiel. Mais il faudra bien faire des escales, au moins pour ravitailler les équipages. Or les pays prêts à les accueillir ne sont pas légion.

Le coup de propagande le plus osé – mais aussi risqué – serait de rejoindre le Venezuela (3), ces deux navires étant taillés pour la haute mer. Ensuite, le retour pourrait se faire via Gibraltar puis le Canal du Suez.

Les Américains doivent pister en permanence ces deux navires depuis l’espace, par les airs et la mer. Pour l’instant, les Iraniens sont dans la zone de responsabilité de la 6e Flotte de l’US Navy (avant le Cap de Bonne-Espérance, c’était la 5e Flotte qui en avait la charge). Certains politiques américains prétendent que ces deux navires auraient pour mission de convoyer des armes au Venezuela ce qui pourrait provoquer un incident. Dans ce cas, est-ce qu’un scénario semblable à celui de la crise de Cuba de 1962 (mais en beaucoup moins important aucune arme nucléaire n’étant cette fois en jeu) va se répéter ?

1. Lire aussi  : « IRAN : UN RAVITAILLEUR DE LA MARINE COULE ».
2. ce dont l’auteur doute fortement car l’environnement de l’Atlantique Nord est loin d’être favorable à Téhéran.
3. L’auteur ne pense pas que Téhéran se risque à la provocation de faire escale à Cuba, ce qui sur le plan politique est tout à fait possible.

 

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Texte

Alain Rodier

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