L’administration Trump s’est enorgueillie à juste titre du pacte d’Abraham qui a permis à Israël de renouer des relations officielles avec les Émirats Arabes Unis (EAU), le Soudan et le Maroc sous l’œil bienveillant de l’Arabie saoudite. Personne n’a semblé se rendre compte que la situation se délitait petit à petit à Jérusalem.

Une fois Joe Biden intronisé à la Maison-Blanche, au moins deux gouvernements arabes ont tenté de le prévenir de la situation explosive pour qu’il tente d’au moins freiner le processus en cours. Ils n’ont pas été entendus jusqu’au début du mois de mai… Il faut dire qu’en matière de politique étrangère, la nouvelle administration tenait surtout à se démarquer de la précédente et la priorité n’était pas donnée au problème palestino-israélien même si les relations avec l’Autorité palestinienne avaient connu un regain d’activité, en particulier en matière d’aide aux réfugiés. La priorité était donnée à la situation au Yémen, en Libye et dans la Corne de l’Afrique.

En mars, la justice israélienne a décidé d’expulser six familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah et de Silwan dans Jérusalem. Cette décision a fait suite à l’augmentation des implantations de colons dans les territoires occupés.

Ce n’est finalement que le 7 mai que le Département d’Etat a enfin déclaré qu’il était « profondément concerné de l’expulsion probable de familles palestiniennes des quartier de Sheikh Jarrah et Silwan ».

La situation à Jérusalem avait alors commencé à dégénérer, des affrontements entre manifestants et les forces de sécurité s’étendant même jusque dans mosquée Al Aqsa !

Depuis le début de la semaine, la situation a totalement explosé. Selon le journaliste Wassim Nasr, il semble que le Jaich al-Oumma, un groupe palestinien proche d’Al-Qaida, au moins sur le plan idéologique(1), ait été le premier à tirer des roquettes depuis la bande de Gaza sur Israël. Le Hamas et le Jihad islamique Palestinien (JIP) n’auraient fait que « suivre le mouvement » mais avec des moyens beaucoup plus conséquents. Les Israéliens ont d’abord mis leur système de défense Iron Dome qui aurait intercepté en trois jours 850 roquettes mais un certain nombre sont parvenues à passer par effet de saturation (certaines sont même retombée en zone palestinienne). Bien entendu une riposte offensive était lancée visant des objectifs déterminés à l’avance dans la bande de Gaza (centre de la police palestinienne, bureaux et habitations de responsables du Hamas et du JIP, etc.). Le nombre de victimes de par et d’autre augmente d’heure en heure, plus d’une trentaine de Palestiniens et au moins cinq israéliens ayant été répertoriés le 12 mai matin comme étant décédés. A noter que le ministre de la Défense Benny Gantz, était le chef de l’armée israélienne lors de la dernière guerre de Gaza en 2014…
Ce qui est aussi inquiétant, c’est que des émeutes gagnent d’autres villes mettant en danger la coexistence entre Juifs et Arabes au sein de l’État hébreu. Ainsi la localité de Lod vient d’être placée par les autorités israéliennes en état d’urgence.

Washington veut croire qu’un cessez-le-feu pourrait intervenir avant le jours de l’Aïd al-Fitr (fête de la rupture, la fin du Ramadan) qui a lieu jeudi 13 (demain…)… Mais, le Premier ministre Benjamin Netanyahu enfermé dans une crise gouvernementale majeure et le Hamas qui a comme ambition de supplanter définitivement l’Autorité palestinienne semblent lancés dans une course en avant extrêmement difficile à arrêter.
Washington tente de s’appuyer sur la Jordanie et l’Égypte pour relancer des négociations, mais pour l’instant sans grand écho.
L’émissaire de l’ONU pour le Proche-Orient, Tor Wennesland, appelle les parties à mettre fin « immédiatement » aux affrontements. « Une guerre à Gaza serait dévastatrice et ce sont les gens ordinaires qui en paieraient le prix ».

1. Le Hamas et le JIP ne sont pas des mouvements « politico-religieux » mais des « nationalistes ». Toutefois, des groupuscules salafistes jihadistes sont tolérés à Gaza tant qu’ils ne troublent pas l’ordre du Hamas. Par exemple, des activistes de la « Wilayat Sinaï » de Daech viennent parfois se ressourcer – et se réapprovisionner – à Gaza.

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Texte

Alain Rodier

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