La Turquie a lancée une première opération « les Serres de l’aigle » le 15 juin 2020 en Irak du Nord. Il s’agissait alors de bombardements menés aux alentours du camp de réfugiés de Makhmour qui accueille 12.000 Kurdes et Yézidis. Selon l’état-major général, 81 objectifs du PKK ont alors été visés. Le lendemain, l’Iran entrait dans la danse en pilonnant à l’artillerie la région de Choman sur les flancs du Mont Qandil où serait cantonnés des éléments du PJAK, la branche iranienne du PKK. À l’évidence, il y a eu coordination entre Ankara et Téhéran.
Le 17 juin, l’opération rebaptisée « les Griffes du tigre » engageait la 5ème Brigade commando stationnée à Hakari dans le sud-est anatolien (la brigade de montagne et commando) et la 1ère brigade commando de Kayseri. Des hommes de ces unités étaient déposés dans la région d’Haftanin tandis que les bombardements se poursuivaient dans celles du Mont Qandil, de Hakurk, de Zap, d’Avasin, de Basyan et du Sinjar. La manœuvre était dirigée directement par le ministre de la défense et ancien chef d’état major, le général Hulusi Akar, depuis son PC d’Ankara. Ce dernier daignait tout de même à se rendre sur le terrain le 19 juin pour visiter les forces.
Quoiqu’en dise la propagande turque (700 « objectifs terroristes traité »…), cette opération annoncée depuis des semaines semble avoir été – une fois de plus – un coup d’épée dans l’eau. À savoir que les forces du PKK déployées dans la région refusent systématiquement le contact et se replient sur des positions préparées à l’avance dans les multiples vallées difficilement accessibles de la région. De plus, Ankara ne peut bénéficier comme en Syrie lors des opérations « Bouclier de l’Euphrate » (2016), « Rameau d’olivier » (2018) et « Source de paix » (2019) de l’appui et de la légitimité donnés par des milices locales. En effet, aucune milice kurde irakienne n’est du côté d’Ankara et une partie des régions visées – en particulier le Sinjar – a été récupérée en 2017 par l’autorité centrale en place à Bagdad après le référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien déclenché par le Parti Démocratique Kurde (PDK) qui a attiré l’ire des autorités légales dont les forces ont repris des terres contrôlées par les peshmergas. Bagdad a beau jeu de condamner l’intervention turque qui, en dehors de l’effet d’annonce, n’apportera aucun gain tactique significatif. Toutefois, la Turquie qui occupe déjà une dizaine de bases en Irak du Nord pourrait en installer d’autres en contradiction totale avec le droit international. L’activisme du président Reccep Tayip Erdoğan à l’étranger est de plus en plus inquiétant : Libye, Méditerranée autour de Chypre, Syrie, Irak, Yémen, Qatar, Gaza, etc. La devise d’Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne « pais à l’intérieur, paix à l’extérieur » est de plus en plus foulée aux pieds par son successeur actuel pour le moins « inspiré » par les Frères musulmans.E

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Alain RODIER

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