Depuis le début février, la situation militaire dans la province d’Idlib située au nord-ouest de la Syrie se détériore considérablement. À savoir qu’après des mois de préparation, l’armée régulière syrienne a commencé à grignoter du terrain vers le nord avec comme premier objectif la reconquête puis la sécurisation des autoroutes M4 et M5 qui relient Alep à Lattaquié vers l’ouest, et Alep à Damas via Khan Chekhoun puis Hama vers le sud. Le point de jonction de ces deux voies de communications stratégiques est situé à Saqareb, ville qui a été reprise par les forces loyalistes le 6 février 2020. À noter que la portion de la M4 vers Lattaquié qui passe par l’importante localité de Jisr al-Choughour est loin d’être « libérée. » De plus, la sécurisation effective de la M5 implique de conquérir une large portion de terrain à son nord-ouest, région où sont regroupés de nombreux rebelles.
Lors de leur offensive, les forces syriennes sont confrontées aux mouvements Hayat. Tahrir al-Cham (HTC), Front de Libération Nationale (FLN, soutenu par Ankara) et autres groupes islamistes mais elles sont aussi gênées par les postes d’observation turcs (issus des accords d’Astana conclus avec Moscou) situés au sud et à l’est de la province. Des échanges de tirs ont donc eu lieu entre les deux armées causant de nombreuses pertes humaines des deux côtés et provoquant l’exode de populations prises au piège au milieu des combats.
Les quatre postes d’observation turcs situés autour de la localité de Saraqeb ont été évacués et tous ceux situés au sud de la province sont aujourd’hui encerclés par les forces régulières syriennes. Anticipant un enlisement de la situation, l’Iran n’a pas engagé les forces qu’il dirige dans les offensives d’Idlib (depuis 2018, c’est la cinquième.)
L’armée turque a engagé de gros moyens de la IIème armée dont une brigade blindée, deux brigades mécanisées, des unités commando et d’artillerie. 9.000 militaires turcs seraient ainsi déployés au nord de la province (à titre de comparaison, la France a 5.100 militaires pour « tenir » le Sahel d’une superficie de la taille de l’Europe ; la Turquie déploie 9.000 combattants prêts à franchir la frontière pour éventuellement couvrir l’équivalent d’un département français.)
Depuis le début de février, des émissaires russes négocient à Ankara l’établissement d’un cessez-le-feu mais leur marge d’initiative semble étroite alors que le président Erdoğan affirmait le 12 février qu’il répondrait à toute nouvelle attaque de ses forces par des actions – vraisemblablement des frappes aériennes – pouvant avoir lieu dans la profondeur du territoire syrien. L’hypothèse de combats aériens n’est pas exclue mais il faudra alors regarder de près la réaction russe.
Même si la conquête de l’ensemble de la province d’Idlib par Damas n’est pas, faute de moyens suffisants, encore à l’ordre du jour, la grande crainte d’Erdoğan que sa zone de sécurité établie lors des trois dernières offensives (déclenchées en 2016) le long de la frontière syrienne ne soit remise en question dans l’avenir.

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Alain RODIER

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