Le 31 décembre 2019, la Special Purpose Marine Air Ground Task Force – Crisis Response – Central Command (SPMAGTF-CR-CC) a été déployée en urgence en Irak afin de sécuriser l’ambassade des États-Unis à Bagdad seulement quelques heures après l’attaque perpétrée par des factions paramilitaires pro-iraniennes. Sa mission : assurer coûte que coûte la défense de ce bastion US en cas de nouvelles provocations des miliciens du mouvement Hachd al-Chaabi.

Dès le début de l’attaque de l’ambassade, quelques heures avant le réveillon de la Saint-Sylvestre, la SPMAGTF-CR-CC est placée en état d’alerte générale.
La situation sur place a très vite dégénéré et le risque que des manifestants pénètrent dans l’enceinte sécurisée de l’ambassade est important. Plusieurs bâtiments et postes de sécurité ont été incendiés par des cocktails Molotov ou dégradés par des jets de pierres. 

Les forces de sécurité irakiennes qui quadrillaient, jusqu’alors, la « Zone verte 1 » n’opposent qu’une timide résistance face aux centaines de partisans qui ont envahi le quartier. Ces derniers manifestent contre des frappes américaines qui ont visé deux jours plus tôt des combattants pro-iraniens et tué 25 d’entre eux, dans l’Ouest irakien. Les groupuscules présents au cœur de la « Green Zone » sont principalement constitués de partisans du Hachd al-Chaabi. Cette milice chiite hétéroclite, sous-influence iranienne, est essentiellement composée d’Irakiens qui ont combattu Daech au cours des derniers mois. 

Quelques heures après le début des échauffourées à Bagdad, vers 16 heures, un contingent de Marines du 2e bataillon du 7e régiment US est déjà prêt à partir depuis la base Ahmed al-Jaber, au Koweït, où sont stationnées les forces d’intervention américaines. Ils sont un peu moins d’une centaine à être mobilisés pour cette opération d’assistance.
Ces éléments sont tous rattachés à la SPMAGTF-CR-CC, une force de réaction rapide chargée d’intervenir en extrême urgence pour faire face à de telles situations. Les Marines de ce bataillon sont déployés au Moyen-Orient depuis près de six mois et sont parfaitement formés pour ce type d’opération. Vers 17 heures, ordre est donné aux hommes de rejoindre le tarmac pour embarquer à bord des MV-22B de la VMM-161. Trois ou quatre Osprey sont mobilisés pour projeter les « Leathernecks » du 2/7. Chaque « convertible » a la capacité d’embarquer entre 24 pax (assis sur les sièges) et 32 pax (assis sur les sièges et sur l’allée centrale). Pour cette mission, les Marines du 2nd Battalion sont exclusivement équipés de leur armement individuel et de leur sac réglementaire. Aucun matériel ou armement lourd n’est embarqué à bord des Osprey.

Les MV-22B ont vraisemblablement décollé de la base d’Ahmed al-Jaber entre 17 h 30 et 18 h 30, le jour du réveillon. Il leur a fallu ensuite près de deux heures pour parcourir les 600 km qui séparent le Koweït de la piste d’atterrissage située au cœur de la « Zone verte ».

À leur arrivée, un ou deux AH-64 Apache de la 34th Combat Aviation Brigade (1st Battalion, 227th Aviation Regiment de l’US Army) étaient déjà sur place pour sécuriser l’approche des «convertibles ». Les hélicoptères ont ensuite assuré la protection du périmètre une grosse partie de la nuit en effectuant des shows of force à basse altitude et en lançant des leurres pour éloigner les manifestants de l’ambassade. Un drone MQ-9 était aussi vraisemblablement sur zone 2 lors de toute l’opération. Une fois débarqués à moins d’un kilomètre de leur objectif, les Marines du 2/7 ont pu rejoindre sans encombre le périmètre sécurisé de l’ambassade et ont ensuite été immédiatement affectés à des points stratégiques afin de renforcer plusieurs positions défensives. 

Les missions des SPMAGTF-CR

Les Special Purpose Marine Air Ground Task Forces – Crisis Response ont été constituées quelques mois après l’attaque du consulat de Benghazi (Libye) en 2012, pour faire face aux risques terroristes inhérents. L’objectif de ces unités est d’intervenir sur ordre en moins de 24 heures, afin de renforcer la protection d’une ambassade ou d’évacuer des ressortissants en extrême urgence. 

Il existe actuellement deux task forces bâties sur le même format : une SPMAGTF-CR située à Morón, en Espagne, qui dépend de l’US Africa Command
(US AFRICOM), et une unité basée au Koweït qui est directement rattachée à l’US Central Command
(US CENTCOM). Ces deux forces de réaction rapide basées à terre, formées exclusivement de Marines, sont respectivement chargées d’intervenir sur le continent africain (SPMAGTF-CR-AF)
et au Moyen-Orient (SPMAGTF-CR-CC). Elles sont autonomes et autosuffisantes. Leur mission est de répondre en urgence à des situations de crise qui peuvent se déclencher simultanément dans des pays rattachés à leur zone de juridiction. Afin de répondre à une situation de ce type, des forces d’intervention calibrées au juste besoin peuvent être regroupées pour être projetées sur le terrain en quelques heures. Ce mode d’action permet de répondre à un événement critique en mobilisant uniquement le personnel nécessaire pour un temps donné. L’objectif des SPMAGTF-CR est de toujours garder en réserve des effectifs afin de pouvoir répondre potentiellement à une deuxième situation de crise. C’est en partie la raison pour laquelle seulement une centaine de Marines du 2/7 ont été déployés pour protéger l’ambassade et que d’autres renforts venus directement des États-Unis ont été projetés en parallèle pour renforcer les effectifs sur place. 

D’un point de vue opérationnel, les moyens affectés aux deux SPMAGTF-CR sont quelque peu différents. La task force US basée en Espagne regroupe à ce jour environ 850 personnels et dispose sur la base de Morón de six MV-22B et de deux KC-130J pour mener des opérations sur le continent africain. L’unité d’intervention de Marines basée au Koweït dispose, quant à elle, de moyens aériens et logistiques plus conséquents (MV-22B, AV-8B, KC-130J). Elle aligne un contingent d’environ 2 000 personnes.

Les forces de réaction rapide sont déjà intervenues à plusieurs reprises pour faire face à des situations critiques par le passé. Dans le cadre de ces mandats, la SPMAGTF-CR-AF a notamment procédé,
en janvier 2014, à l’évacuation de plusieurs dizaines de personnes de l’ambassade américaine au Soudan du Sud. La SPMAGTF-CR-CC a, quant à elle, soutenu plusieurs fois les forces américaines en Irak et en Syrie au cours de l’opération Inherent Resolve.

En dehors des interventions opérationnelles, les deux détachements américains participent également à de nombreux exercices d’entraînement avec les forces armées européennes, africaines et du Moyen-Orient. Une section de Marines de Morón et des MV-22B Osprey étaient notamment présents sur le camp de Carpiagne début décembre pour participer à un entraînement avec le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC).

Assurer la mobilité des troupes

Afin de rallier l’ambassade des États-Unis à Bagdad, au moins trois ou quatre Osprey assignés à la SPMAGTF-CR-CC ont été mobilisés pour cette opération. Ces MV-22B étaient tous rattachés à la VMM-161. Cette unité assure actuellement le soutien opérationnel de la force de réaction rapide du CENTCOM.

Trois versions de « convertibles » ont été développées par le consortium Bell-Boeing : une version destinée au Corps des Marines (MV-22B), une version dédiée aux forces spéciales de l’US Air Force (CV-22B) et une version développée spécifiquement pour l’US Navy (CMV-22). Les trois modèles sont semblables, seuls l’avionique et les systèmes d’alerte diffèrent entre ces machines.
Les MV-22B destinés aux Marines et à la SPMAGTF-CR-CC ont notamment été étudiés pour embarquer à bord des navires amphibies de la marine américaine. Ils affichent une masse à vide de 15 tonnes et peuvent embarquer 5,7 tonnes sous crochet ou 9 tonnes de charge utile en cabine (32 personnes, 14 civières en configuration Casevac ou du fret). 

Au sein des SPMAGTF-CR, la présence d’Osprey est particulièrement appréciée pour assurer des missions de protection d’ambassades, d’évacuation de ressortissants ou d’assistance médicale. 

Les MV-22B peuvent, en effet, parcourir de grandes distances, embarquer un nombre conséquent de personnels et se poser aisément en zone urbaine ou sur des terrains non aménagés. Ils ont également la capacité de voler à grande vitesse (493 km/h) et sur des distances relativement importantes (environ 720 km sans ravitaillement avec 24 passagers à bord), ce qui est plutôt intéressant lorsqu’il est nécessaire de rallier rapidement un site situé à plusieurs centaines kilomètres de distance. En cas de nécessité, les Osprey peuvent également être ravitaillés en vol grâce à une perche rétractable située sur leur côté droit. Leur rayon d’action est alors porté à près de 3 900 km. 

Chaque équipage de MV-22B aligne deux pilotes et deux mecnav (mécanicien navigant). Le poste de pilotage est agencé comme sur un hélicoptère classique. Toutes les informations nécessaires au vol tactique et au contrôle des paramètres sont retranscrites grâce à plusieurs consoles multifonctions. L’équipage dispose ainsi d’un système de visualisation et de gestion performant pour gérer le déroulement de la mission (GPS, cartographie, TACAN, météo, FLIR AN/AAQ-27A, système de navigation inertiel, ILS…), les paramètres de vol et les moyens de communication (Satcom, VHF, UHF, IFF, transpondeur…). Un système de détection radar APR-39A(V)2 est également installé en série sur chaque appareil afin de détecter la présence de radars de détection ; un dispositif plutôt utile lorsque les appareils traversent des zones à risques où peuvent se dissimuler des systèmes de défense sol-air. 

Côté armement, une mitrailleuse en calibre 7,62 mm ou 12,7 mm peut être installée au niveau de la rampe arrière. Elle est généralement servie par un mecnav embarqué à bord de l’Osprey. 

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Alexandre ALATI, DR