En 2015, le président Hollande avait dévoilé au cours d’une conférence de presse que la France disposait de 54 missiles aéroportés ASMP-A dotés d’une tête nucléaire (unique).

Mis en œuvre par les Forces aériennes stratégiques (Base aérienne 125 d’Istres; BA 113 de Saint-Dizier et BA 702 d’Avord) et la Force aéronavale nucléaire embarquée sur le porte-avions Charles de Gaulle, c’était (et c’est toujours) l’arme du « dernier avertissement » ou « préstratégique. » Depuis, ils ont été remplacés par la version modernisée ASMPA-R mais leur nombre et leurs performances relèvent du secret-défense.

Après le « dernier avertissement », si n’ennemi ne renonce pas à ses intention bellicistes, intervient la phase ultime qui est le déclenchement du feu nucléaire stratégique mis en œuvre par la Force océanique stratégique (FOST) qui compte quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération (SNLE/NG) de classe « le Triomphant. » Chaque sous-marin à propulsion nucléaire peut activer 16 missiles M-45 qui ont une portée théorique d’environ 10.000 kilomètres (sauf le dernier entré en service qui est armé de 16 missiles M-51 à portée accrue.) Chaque missile a une tête équipée de huit à dix charges nucléaires TN 75 d’une puissance de 110 kt (remplacées progressivement par des « têtes nucléaires océaniques, TNO.)

Pour mémoire, les bombes larguées par les Américains sur le Japon en 1945 avaient chacune une puissance allant de 15 à 25 kt.
La France possède donc quatre SNLE dont l’un est en permanence à la mer. En période de crise comme cela a été le cas après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, trois peuvent être en patrouille simultanément – le quatrième restant obligatoirement à l’entretien -. Comme les sous-marins d’attaque (SNA), les SNLE peuvent théoriquement rester à la mer un temps indéterminé, le point faible restant la résilience des équipages car techniquement, un sous-marin a propulsion nucléaire peut fonctionner pendant 25 ans (il y a deux équipages par navire.)

Les Britanniques ont également quatre SNLE mais ils n’ont plus de composante aéroportée.

Le missile aéroporté réservé aux Forces aériennes stratégiques et à la Force aéronavale nucléaire, emporte une tête nucléaire aéroportée (TNA) unique d’environ 300 kilotonnes.

Il est entré en service opérationnel en 2010, en remplacement du missile air-sol moyenne portée (ASMP).
La portée est estimée à 500 kilomètre à haute altitude, à 80 kilomètres à basse altitude et à 60 kilomètres sur une cible navale. Sa précision à l’impact serait d’une dizaine de mètres mais cela peut être considéré comme accessoire étant donnée la puissance de la charge.

Le 18 mars 2025, le président Emmanuel Macron a annoncé la mise en œuvre d’une quatrième base aérienne pouvant accueillir deux escadrons à capacité nucléaire sur la BA 116 de Luxeuil à l’horizon de 2035. Ce serait la première base à accueillir en 2030 la prochaine version du Rafale F5.

À terme, elle sera armé et son missile nucléaire hypersonique ASN4G (Air-Sol Nucléaire de 4ème Génération), « figure du renouvellement entamé de la modernisation de notre dissuasion nucléaire.» L’ASN4G est un missile hypersonique à stratoréacteur hypersonique pouvant atteindre Mach 7 (et plus) mais capable de manœuvres complexes pour contrer les défenses adverses dans un contexte de déni d’accès (A2/AD) croissant.

À noter que les missiles M-51 tirés depuis les SNLE évoluent à des vitesses équivalentes mais ne peuvent effectuer des manœuvres en cours du vol. Cet inconvénient est pallié par les têtes multiples (MIRV, Multiple Independently targeted Reentry Vehicle) dont les 8 à 10 charges nucléaires (plus des leurres) entrent dans l’atmosphère terrestre de manière dispersée provoquant un effet de saturation de l’espace aérien visé.

Mais quelle est l’utilité de l’ASMPA-R ?

Le président de la République Française est le seul responsable pouvant décider du déclenchement du feu nucléaire.
L’affaire est relativement simple si la France est directement attaquée par des armes nucléaires adverses : « foutu pour foutu, autant faire payer à l’agresseur sa décision suicidaire. » Cette riposte n’a pas besoin d’être immédiate, le (ou les) sous-marin(s) en patrouille pouvant tirer lorsqu’ils sont à portée des jours – voire des semaines – après la première frappe ennemie.

Mais cette situation reste heureusement hautement improbable car l’envie de déclencher une telle catastrophe par un agresseur éventuel est sujette à caution.

Par contre, il existe de nombreuses menaces intermédiaires qui peuvent exiger une réponse graduée – sans passer par l’emploi d’armes tactiques destinées au champ de bataille conventionnel (ce que les Américains, Russes, Chinois, Indiens, Pakistanais n’excluent pas) -.
L’emploi peut varier : la mise en alerte à court préavis qui est un premier avertissement (en même temps que le départ en patrouille de SNLE qui rejoignent celui déjà à la mer.) Le cas s’est produit avec la crise de Cuba de 1962, des avions US étaient prêts à décoller en 15 minutes (la France n’avait pas encore de force nucléaire opérationnelle.)

Une deuxième phase pourrait être le déploiement d’avions Rafale F5 armés de missiles ASN4G sur le sol d’un pays ami « demandeur » partant tout de même du principe que la décision de tir relèverait exclusivement de l’Élysée. Il faut que le président français estime que les « intérêts vitaux » de la France (il n’a pas été élu par les citoyens d’un autre pays européen) sont directement menacés. En plus d’être un geste géostratégique fort (qui inclurait une logistique très lourde qui ne peut qu’être prévue bien en amont), cela permettrait tactiquement de rapprocher les cibles potentielles des vecteurs dont la portée reste limitée, surtout en mode « missile de croisière à basse altitude. »

C’était déjà le cas durant la guerre froide, les Allemands appréciant peu que les Français envisagent de tirer des missiles sol-sol Pluton depuis le territoire français car ils n’avaient qu’une portée maximum d’une vingtaine de kilomètres. Ils tomberaient alors obligatoirement en Allemagne de l’Ouest…

Le troisième pallier pourrait être des explosions intervenant à très haute altitude au dessus du territoire ennemi, ce qui aurait des effets – relativement – limités au sol mais annihilerait toutes les communications localement.

Enfin, il pourrait être procédé à la destruction d’un symbole important pour l’adversaire (un navire amiral, une grande base militaire, etc.), les états-majors ont toujours des dossiers d’objectifs régulièrement mis à jour…

Si le porte-aéronefs Charles de Gaulle doit prendre sa retraite en 2038, son successeur devrait être opérationnel la même année. Dès à présent, il serait utile de se poser la question : est-il vraiment utile de le doter d’une configuration de stockage d’armes nucléaires qui coûte cher et surtout qui complique considérablement la conception du bâtiment en le privant de larges zones d’habitabilité. Les Amiraux pensent que la situation peut considérablement évoluer en Extrême-Orient dans les dizaines d’années à venir et qu’il ne faut pas se priver de cette possibilité. À étudier…