Le vol commercial Ryanair FR4978 avec 171 personnes à bord qui reliait Athènes (Grèce) à Vilnius (Lituanie) le 23 mai a été détourné de sa route par les autorités biélorusses pour finalement se poser à Minsk.

Dans la foulée, la communauté internationale occidentale a décrété des sanctions interdisant à ses compagnies aériennes de survoler la Biélorussie puis refusant l’accès de ses aéroports à la compagnie locale Belavia. Tous les responsables politiques occidentaux se sont offusqués par cette conduite inadmissible qualifiée de « détournement d’État » car chasseur biélorusse MIG-29 a escorté l’avion de ligne jusqu’à ce qu’il soit parvenu à destination).

Ils ont oublié quelques incidents du même type dont certains pays ont été à l’origine (1) dans le passé. Le prétexte avancé par Kiev d’une menace venue du Hamas est tout simplement stupide car le mouvement palestinien a actuellement bien d’autres soucis et surtout pas celui de se mettre l’Europe à dos. Ce mouvement a d’ailleurs démenti cette information.

Sur le plan politique, il semble évident que le président Alexander Lukashenko qui, depuis longtemps ne se maîtrise plus, a sévi une fois de plus en ordonnant cette opération qui a permis l’arrestation du jeune opposant Roman Protasevich âgé de 26 ans et son amie russe, Sofia Sapega qui compte 22 printemps. Devenu totalement paranoïaque et n’ayant plus rien à faire de son image internationale, le président biélorusse qui s’est fait filmer au moins à deux reprises Kalachnikov à la main, fait feu de tous bois pour casser toute opposition. Il y est arrivé dans une certaine mesure puisque les imposants mouvements de protestation de 2020 après sa réélection contestée pour un sixième mandat le 9 août, se sont peu à peu éteints. La population ne pouvait plus « suivre » face à la répression féroce des forces de police spécialisées, les Omons. Sept opposants arrêtés en 2020 ont aussi été condamnés le 25 mai à des peines de prison allant de quatre à sept ans.

Quant à Protasevich, son « aveu de ses crimes » dans le plus pur style stalinien a été largement diffusé à la télévision nationale. Certains observateurs prétendent qu’il aurait été l’objet de violences. Il semble que cela n’était pas indispensable car les Biélorusses détiennent sa « fiancée » et dans un régime autoritaire, tout est possible surtout si l’autorité politique – dans le plus pur style stalinien – couvre les actions illégales de ses sicaires …

Mais avec Roman Protasevish et son compère Stepan Putilo (âgé de 23 ans) qui ont créé la chaîne Telegram Nexta installée en Pologne qui diffuse des informations sur les manifestations et la répression en Biélorussie, on frise le ridicule. Il est par contre vrai que Potasevish a quitté Nexta pour désormais travailler officiellement pour la chaîne Telegram « @belamova » directement financée par Radio Free Europe (2); organisation avec laquelle il était en rapport depuis son exil en Pologne en 2019 (dont il a demandé la nationalité) avant de s’installer en Lituanie.

Il semble que le président biélorusse a désormais peur de son ombre. Organiser une opération, au départ clandestine (deux autres citoyens biélorusses sont restés à Minsk ; ce sont vraisemblablement des agents du KGB local – ce service de renseignement a gardé son appellation d’origine – ) qui a permis de localiser puis de suivre Protasevich en visite professionnelle à Athènes afin d’organiser son arrestation rocambolesque en détournant le vol dans lequel il avait pris place est profondément surdimensionnée. Roman Protasevish est poursuivi pour organisation de manifestations illégales et terrorisme. En théorie il risque au minimum 14 ans de prison.

Soutenu jusqu’à maintenant par Vladimir Poutine qui voyait en lui une barrière face à l’OTAN estimé « expansionniste », Lukashenko devient de plus en plus gênant pour le Kremlin. Cela dit, Moscou n’est pas doté de superpouvoirs et remplacer le président biélorusse par un responsable plus raisonnable n’est pas une chose évidente car il bénéficie encore de la bienveillance d’une partie de la population (généralement une tranche plus âgée) qui voit en lui le patriote qui n’a peur de rien et surtout pas de l’Europe moralisatrice.

1. Pour rappel, le SDECE a mené une opération de ce type contre Ben Bella et ses proches le 22 octobre 1956 en détournant son vol qui reliait le Maroc à la Tunisie. Le 2 juillet 2013, sur influence de Washington, les pays européens ont contraint l’avion du président Evo Morales à se poser en Autriche pour vérifier si Edward Snowden ne se trouvait pas à bord…
2. Créé en 1949 sous l’égide de la CIA, elle est aujourd’hui indépendante mais financée par le Congrès US et, de fait, placée sous son contrôle Cet organisme d’influence a participé directement à la Guerre froide, puis au conflit afghan, à la chutte de l’URSS et aux « printemps arabes ».

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Texte

Alain Rodier

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