Le 16 mars 2021, Londres a pris la décision d'augmenter le plafond de son arsenal nucléaire, ce qu'il n'avait pas fait depuis la fin de la Guerre froide. Selon les quotidiens « The Guardian » et « The Sun », le Royaume-Uni va augmenter de 180 à 260(1) le nombre de ses ogives nucléaires.

Le ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab, a déclaré à la BBC : « C’est la garantie ultime, la police d’assurance ultime contre les pires menaces d’États hostiles ».
Cette décision intervient suite au Brexit qui a détaché la Grande Bretagne du continent européen et pousse Londres à s’affirmer comme une puissance de premier rang sur la scène internationale. Ne pas oublier que grâce à leur armement nucléaire, les Britanniques sont un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

Londres désigne clairement son adversaire : la Russie qui serait une « menace active ». À noter que son jugement reste plus nuancé envers la Chine, échanges économiques obligent, mais pas seulement. La Chine est située géographiquement bien loin des îles britanniques et ne constitue pas un objectif opérationnel crédible pour la force de dissuasion de sa Majesté. Cette dernière se cantonne donc à un adversaire plus « proche » : la Russie. Mais il faut toujours se rappeler que la clef du déclenchement du feu nucléaire ne se trouve pas à Londres mais à Washington, les Britanniques n’ayant pas leur indépendance dans ce domaine comme c’est le cas pour la France.

Ben Wallace, le ministre britannique de la Défense, s’était déjà adressé au Congrès américain pour le convaincre de voter les crédits nécessaires au développement d’une nouvelle tête nucléaire (l’ogive W93) pour le missile Trident qui arment mes sous-marins britanniques et américains. Techniquement, il s’agit de remplacer les ogives actuelles W73 conçues dans les années 1970.

Il faut aussi se rappeler que lors de la Guerre froide, la Grande-Bretagne possédait jusqu’à 500 têtes nucléaires dont des vecteurs air-sol et sol-sol dont la bombe nucléaire tactique WE177 jusqu’en 1998. Ils ne reste plus que la composante maritime. Les SNLE « Vanguard » de la Royal Navy entrés en service à partir des années 1993 peuvent emmener 16 missiles Trident II D5, ce nombre ayant été réduit à 8 (avec deux têtes nucléaires plus les leurres) en 2011. En 2015, le programme « Dreadnought » (illustration en en-tête de l’article) qui vise à remplacer les actuels SNLE « Vanguard » a été confirmé, il fut aussi décidé de réduire le stock total d’armes nucléaires à 180 ogives au maximum dont 120 pouvaient être opérationnelles. Les armes pouvant être embarquées auraient, à la demande, des performances différentes : soit de dissuasion (des armes dites « anti-cités » destinées à infliger en deuxième frappe un maximum de dommages à l’ennemi) ou plus tactiques qui leur permettrait éventuellement d’être mise en oeuvre contre un État-voyou sans infliger trop de pertes irréparables.

Les missiles sont « loués » aux États-Unis et les sous-marins britanniques doivent régulièrement se rendre à la base navale de Kings Bay en Floride pour que les techniciens américains puissent en assurer la maintenance.

Aujourd’hui, la Grande Bretagne dispose que quatre SNLE (comme la France), un en patrouille, deux disponibles rapidement en cas d’alerte et le quatrième en maintenance de longue durée.

En résumé, la force nucléaire stratégique britannique est une composante de celle des États-Unis avec comme objectif prioritaire la Russie (pour la Chine, Washington s’en occupe). Il est vrai que la Grande-Bretagne est aujourd’hui obligée de relancer ses efforts (financiers) militaires pour assurer ce qu’elle pense être son indépendance(2) tout en restant un élément essentiel de l’OTAN. Pour cela, elle a besoin de Washington qui, en retour, utilise à son profit le sentiment anti-russe profondément ancré au sein de monde politique londonien.

1. La France possèderait quelques 300 têtes nucléaires. La différence réside dans le fait qu’elle dispose des missiles ASMPA (missile air-sol moyenne portée amélioré) embarqués sous avions Rafale (air et marine) qui donnent une flexibilité supplémentaire à la Présidence de la République.
2. L’auteur n’a rien contre la Grande Bretagne qui bénéficie d’atouts remarquables comme le Commonwealth, une résilience de son peuple qui a servi d’exemple au monde libre…

 

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Alain Rodier

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