Bien que les manœuvres militaires russo-biélorusses « Zapad 2025 »(1) soient terminées , la Pologne refuse de rouvrir sa frontière avec la Biélorussie privant ainsi la Chine d'un axe ferroviaire très important à destination de l’Europe pour son projet « nouvelle route de la soie » ( la « ceinture et la route »). Environ 90 % du fret ferroviaire Chine-Union européenne transite par la Pologne.

Plus que les manœuvres, c’est surtout l’incursion de drones russes au dessus de son territoire qui a fortement heurté Varsovie d’autant qu’au moins une partie de ces UAV provenaient vraisemblablement de Biélorussie.
Pékin a demandé à la Pologne de rétablir cette liaison essentielle pour des plateformes de ventes de vêtement comme Temu et Shein et surtout pour sa « nouvelle route de la soie. »
Le ministre des Affaires étrangères Radek Sikorski a refusé.
Avec des liaisons maritimes plus lentes et un transport aérien jusqu’à 30 % plus cher, les chaînes d’approvisionnement du e-commerce européen risquent d’être gravement perturbées dans l’avenir.

La Chine pourrait envisager des voies secondaires :
. l’une passant par l’Ukraine mais étant donnée la conjoncture actuelle, cela semble improbable à court ou moyen terme ;
. l’autre par l’Asie centrale, l’Iran puis la Turquie mais la plupart des infrastructures sont à construire…

Il y a aussi deux autres raisons – non avouées – qui semblent avoir présidé à la décision des autorités polonaises.

Tout d’abord l’aide de la Chine à la Russie dans le conflit ukrainien. Le dernier exemple le plus visible est le nouveau drone « Geran-3 » équipé du turboréacteur chinois Telefly JY80 lui permettant d’atteindre des vitesses de 300 à 370 km/h avec une autonomie estimée à un millier de kilomètres.

Il est toutefois à remarquer que sur les 45 composants étrangers identifiés sur le « Geran-3 », la moitié provient de fabricants américains, huit sont effectivement chinois, sept suisses, trois allemands, deux britanniques et un japonais.

La deuxième raison – vraisemblablement la plus importante – est l’alignement de la Pologne sur la politique américaine de boycott de la Chine tout en y impliquant automatiquement le reste de l’Europe.
Le sabotage de Nord Stream 1 et 2 (2) le 26 septembre 2022 qui a neutralisé l’arrivée de gaz russe, principalement en Allemagne, provoqué par les Ukrainiens soutenus discrètement par Varsovie, avait été de la même facture : tirer une balle dans le pied au reste de l’Europe (nuire particulièrement à l’Allemagne ne chagrinant pas outre-mesure les Polonais qui ont un contentieux historique avec les Allemands.)

Si cette fermeture se prolonge, le piège est tendu pour l’Europe : s’aligner derrière les États-Unis pour s’opposer à la Chine. Il n’est pas certain qu’elle en sorte gagnante mais est-ce l’objectif de Washington (quelque-soit l’administration en place) ?
Les Polonais, comme les pays baltes, qui sont en première ligne face à l’« ogre russe »ne souhaitent en aucun cas calmer les choses – même si la « cause ukrainienne » ne rencontre pas toutes leurs faveurs -. Là aussi, ils ont la rancune historique tenace…
Comme ailleurs, la situation est beaucoup plus complexe que l’on ne peut le penser.

(1) Voir : « Manœuvre ‘Zapad 2025’, une démonstration de force médiatisée russo-biélorusse » du 17 septembre 2025.

(2) Voir : « Le mystère du sabotage des gazoducs Nord Stream sort de l’ombre. » du 19 août 2024.