Alejandro Arcos Catalán élu maire de Chilpancingo (capitale de l’État de Guerrero) depuis six jours a été assassiné puis décapité. Les autorités ont retrouvé la tête coupée de la victime le 6 octobre. Elle était déposée sur le toit de son véhicule dans le quartier de Villas del Roble à l’est de Chilpancingo. Son corps avait été abandonné sur le siège passager avant. Cette méthode d’opérer n’est pas nouvelle dans la région.

Ainsi, le 31 mars 2022, un véhicule avec les têtes de six personnes avait été trouvé sur le Bulevar Eucaria Apreza à la sortie de Chilpancingo. Les corps avaient été abandonnés à l’intérieur du véhicule.

Le 24 juin 2023, des membres du Ministère de la Sécurité Publique (SSP) avaient été prévenus de la découverte de corps humains dans le quartier de San Mateo de  Chilpancingo.

Les têtes coupées de sept personnes – cinq hommes et deux femmes – qui, apparemment, appartenaient à la même famille -, avaient été positionnées sur le capot d’une camionnette. Les restes humains avaient été éparpillés sur le trottoir.

Des pancartes avaient été laissées sur place avec des messages destinés à la mairesse de Chilpancingo de l’époque, Norma Otilia Hernández Martínez et à l’ancien procureur général, Andrei Marmolejo Valle : « Salutations Présidente : Norma Otilia, j’attends toujours le deuxième petit-déjeuner que tu m’as promis après être venu me chercher. Avec amour, ton ami ».

À noter qu’une vidéo la montrant en 2023  déjeunant avec Celso Ortega Jiménez, identifié comme le chef présumé du cartel Los Ardillos a été diffusée ultérieurement…

Bien sût, ni les exécutants ni les commanditaires n’ont été inquiétés…

 

l y a un peu plus de deux ans, faute de moyens, le gouvernement du président Andrés Manuel López Obrador avait laissé le contrôle de la région au cartel Los Ardillos fondé en 2000 par un ancien policier, Celso Ortega Rosas mort en 2011. Il a été remplacé par deux de ses sept enfants : Celso et Antonio Ortega Jiménez. À l’évidence, les liens entretenus entre Los Ardillos et l’ancienne administration locale devaient être forts.

La victoire électorale en septembre 2024 d’Arcos sur Norma Otilia Hernández Martínez devait ouvrir une nouvelle ère pour la mairie et redéfinir les liens qui existaient entre la municipalité et le crime organisé.

Lors de son premier discours public, Arcos s’était engagé à ne conclure aucun pacte avec des groupes criminels et à garantir la paix et la sécurité à Chilpancingo : « la sécurité exige l’engagement de tous […] J’en appelle aux trois niveaux de gouvernement, aux entrepreneurs, à la société civile et aux familles de Chilpancingo. Je vous le demande, le cœur sur la main : aidez-moi à lutter et à construire la paix, la paix dont nous avons tous besoin ».

Ces prises de position ont certainement déplu aux éminences grises de la région.

Le meurtre du maire n’est que la dernière vague de violence qui caractérise la transition politique actuelle de la ville. Des sicarios ont abattu le 3 octobre Francisco Tapia – un proche du maire – dans le centre-ville, trois jours seulement après qu’il ait pris ses fonctions de secrétaire général du conseil municipal.

Quelques jours plus tôt, un commando d’hommes armés avait assassiné Ulises Hernández Martínez, l’ancien directeur des forces spéciales de la police de l’État de Guerrero nommé chef de la sécurité publique de la municipalité par le nouveau maire.

Curieusement, il ne semblait pas se sentir menacé. En effet, Omar García Harfuch, le secrétaire à la sécurité publique nommé par la nouvelle présidente Claudia Sheinbaum, a précisé aux journalistes qu’Arcos se rendait seul à une réunion à Petaquillas, une ville située juste au sud de la capitale où des factions criminelles liées au cartel los Ardillos sont très présentes…

Son assassinat est le dernier exemple depuis l’entrée en fonction de la présidente Claudia Sheinbaum le 1er octobre 2024 de la crise qu’elle doit traverser en tant que première femme chef d’État du Mexique.

Lors de sa prise de fonctions, elle a présenté un certain nombre d’initiatives pour lutter contre l’insécurité au cours de ses cents premiers jours de présidence.

Les priorités de son administration comprenaient une coordination accrue et un partage de renseignements, la lutte contre la violence au Chiapas et le racket au Michoacán, ainsi que la création de groupes de travail inter-administrations spécialisés pour aider à réduire l’insécurité dans certains points chauds du pays.

Carte des assassinats par nombre d’habitants en 2024.

L’État frontalier du sud du Chiapas est devenu le principal point focal d’une bataille en cours entre différentes factions criminelles alliées au cartel de Sinaloa et au cartel de Jalisco Nouvelle Génération (Cartel Jalisco Nueva Generación – CJNG) qui se disputent des économies criminelles comme le trafic de drogue et le trafic de migrants.

Des milliers de personnes ont été déplacées et des centaines tuées ces dernières années dans cet État autrefois pacifique désormais ravagé par des violences intestines entre intérêts locaux et nationaux.

Des centaines de militaires y ont été envoyés pour aider à réprimer la violence, mais de nombreux habitants affirment qu’ils font eux aussi partie du problème.

Les préoccupations sécuritaires du Mexique vont bien au-delà de sa région frontalière sud. Les corps de douze personnes ont récemment été retrouvés dans le centre de Guanajuato, l’État le plus violent du pays.

Et plus au nord, à Sinaloa, les factions belligérantes du cartel de Sinaloa ont paralysé presque toutes les grandes villes de l’État après l’arrestation de deux hauts dirigeants aux États-Unis fin juillet. Les autorités locales ont enregistré des centaines de disparitions forcées et de meurtres depuis le début des combats en septembre.

Sheinbaum est désormais la quatrième dirigeante du Mexique à faire face à la crise de violences du pays depuis que l’ancien président Felipe Calderón a déclaré la guerre au crime organisé en 2006.

Certaines estimations suggèrent que la guerre contre la drogue a fait jusqu’à 430.000 morts au cours des deux dernières décennies, et plus de 100.000 personnes ont été portées disparues au cours de cette période.

Les alliances conclues entre les élites politiques et les groupes criminels organisés ont rendu impossible l’obtention de gains de sécurité significatifs pour les administrations précédentes qui se sont toujours appuyées sur une approche militarisée.

Pour l’instant, il ne semble pas y avoir de changement entre l’ancien président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) et la stratégie de sécurité de Sheinbaum.

La guerre entre les différents groupes criminels à Guerrero était restée un peu invisible au cours du dernier mois du fait du déferlement de violence qui se passe ailleurs dans le pays.

Depuis la prise de fonctions de la présidente Sheinbaum il y a une semaine, il y a eu 566 homicides intentionnels dans 30 des 32 entités du pays.

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Texte

Alain Rodier