Israël a effectué deux opérations homo dans la nuit du 30 au 31 juillet frappant le responsable des opérations militaires du Hezbollah à Beyrouth et le chef du bureau politique du Hamas à Téhéran.

L’opération de Beyrouth aurait été menée par un avion F-35 dans le quartier de Dahiyeh, bastion du Hezbollah

Fouad Choukr

L’armée israélienne a annoncé mardi soir l’élimination de Fouad Choukr alias Sayed Mohsen, décrit comme « le plus haut commandant militaire du Hezbollah et le chef de l’appareil stratégique de l’organisation. » L’état hébreu avait décidé de frapper ponctuellement mais à haut niveau en réponse à l’attaque à la roquette du 27 juillet imputée au Hezbollah contre un village druze du plateau du Golan syrien occupé par Israël (ce que le Hezbollah avait nié). Douze enfants israéliens avaient été tués.

L’opération aurait  été menée par des avions F-35 dans le quartier de Dahiyeh à Beyrouth, bastion du Hezbollah. Un immeuble s’est effondré sous la frappe et des victimes collatérales sont à déplorer. La dépouille de Fouad Choukr n’a été extraite des décombres que deux jours après.

Selon Tsahal, Choukr était le bras droit et le conseiller militaire du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Il était responsable de la lutte du Hezbollah contre Israël depuis le 8 octobre. Il supervisait en particulier les systèmes stratégiques les plus avancés de l’organisation, notamment les missiles et les drones.

Il avait rejoint le groupe en 1985 et occupé divers postes de haut rang depuis.

L’élimination de Choukr représente un coup dur pour le Hezbollah et pourrait avoir quelques répercussions sur sa structure de commandement mais, comme avant pour lui les autres responsables du mouvement éliminés, il sera rapidement remplacé.

Cette opération intervient dans un contexte de tensions accrues entre Israël et le Hezbollah depuis le début du conflit à Gaza. Elle soulève des inquiétudes quant à une possible escalade dans la région, bien que les autorités israéliennes affirment ne pas chercher une guerre à grande échelle.

Ismaïl Haniyeh

Le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a été éliminé le 31 juillet à Téhéran, ville où il se rendait fréquemment. Il avait assisté à l’investiture le 30 juillet de Massoud Pezeshkian, le nouveau président iranien élu le 6 juillet.

Il aurait été éliminé vers 02h00 du matin, quelques heures seulement après la mort de Fouad Choukr au cœur de Beyrouth. Mais la méthode employée a été différente. Il est fit état d’un missile sol-sol tiré depuis le territoire iranien qui aurait visé l’appartement mis à la disposition de Haniyeh par les Gardiens de la Révolution. Si cette information se confirme, cela signifierait qu’un groupe d’opposants iraniens au régime était directement impliqué dans l’opération ce qui est loin d’être étonnant.

Si Israël a officiellement revendiqué l’élimination du chef du Hezbollah à Beyrouth, rien n’a filtré concernant l’élimination de Haniyeh. Cela dit, selon l’expression de responsables israéliens, depuis les pogroms du 7 octobre, il n’était plus qu’« un mort qui marche » car son élimination avait été ordonnée par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Le Hamas a publié un communiqué déplorant la perte de son leader, décrivant Haniyeh comme un « martyr » et accusant Israël d’une « attaque sioniste perfide » sur sa résidence à Téhéran.

La veille de sa mort, Haniyeh, âgé de 62 ans, avait rencontré le guide suprême iranien, Ali Khamenei, aux côtés du secrétaire général du Jihad islamique, Ziad Nakhaleh (à gauche sur la photo ci-après). À noter que ce dernier (lui aussi qualifié de « mort qui marche ») logeait dans le même immeuble qu’Haniyeh mais à un autre étage…

Né dans le camp de réfugiés de Shati à Gaza, Haniyeh avait rejoint le Hamas en 1987. Il s’était fait connaître en 2006 en devenant Premier ministre de l’Autorité palestinienne, après la victoire de son mouvement aux législatives. Il avait ensuite été élu chef du bureau politique du Hamas en 2017 succédant à Khaled Mechaal. Présenté par une partie de la presse occidentale comme un « modéré », il avait laissé éclater sa joie après les pogroms du 7 octobre 2023 qui ont fait 1.197 victimes et 251 otages.

Moussa Abou Marzouk, membre du bureau politique du Hamas, a menacé en déclarant que « l’assassinat du commandant Ismaïl Haniyeh est un acte lâche qui ne restera pas impuni ». Un autre haut responsable du Hamas, Sami Abu Zuhri, a affirmé : « Nous menons une guerre ouverte pour la libération de Jérusalem et sommes prêts à payer différents prix. Le Hamas est une institution et une idéologie, et ne sera pas affecté par la perte de l’un de ses dirigeants. »

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a affirmé que les États-Unis, principal allié d’Israël, n’avaient été ni « mis au courant » ni « impliqués » dans sa mort. Il faut dire que la Maison-Blanche mettait encore un (faible) espoir dans les négociations indirectes menées via Haniyeh. Il semble qu’elles soient désormais dans l’impasse.

Ces deux opérations ciblées confirment la capacité des services de renseignement israéliens à obtenir en amont des informations précises dans le temps et dans l’espace. Et pourtant, les personnalités visées qui se savent menacées prennent généralement des précautions de sécurité importantes. Cela implique bien sûr des infiltrations humaines dans les rangs même de leurs adversaires.

Après avoir répondu à la question où et quand, il s’agit pour les décideurs de définir le comment : le moyen à utiliser. Dans le cas de Beyrouth, ce serait une frappe aérienne délivrée par un F-35 un peu comme celle qui avait visé le 1er avril 2024 l’annexe de l’Ambassade d’Iran à Damas. C’est l’immeuble entier qui a été détruit…

Pour Téhéran, il convient d’attendre de plus amples informations mais il faut savoir qu’en raison de l’intronisation officielle du nouveau président qui avait amené de nombreuses personnalités à Téhéran, les mesures de sécurité avaient été considérablement renforcées. L’option d’un missile ou d’un drone guidé n’est pas à exclure.

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Texte

Alain Rodier