Le Département de la sécurité intérieure des États-Unis (United States Department of Homeland Security - DHS -) a patiemment monté un « piège à narcos » qui a connu son épilogue sur l’aérodrome de Santa Teresa près d’El Paso le 24 juillet après-midi.

Un avion Beechcraft King Air y a atterri et ses deux passagers ont été appréhendés en douceur par des Agents fédéraux.

La personnalité arrêtée la plus célèbre est le baron de la drogue mexicain Ismael Zambada García, alias « El Mayo » (76 ans), un des deux fondateurs historique du cartel de drogue de Sinaloa (une branche dissidente du cartel de Guadalajara.)

L’autre créateur était le célébrissime Joaquín « El Chapo » Guzmán arrêté (pour la troisième fois) en janvier 2016 et extradé en 2017 vers les États-Unis. En 2019, il avait été condamné à la prison à vie (plus trente ans…) et incarcéré au pénitencier ADX Florence au Colorado. Pour sa défense, son avocat avait affirmé que le vrai patron du cartel de Sinaloa était El Mayo…

Ce dernier est considéré comme le dernier membre de la « vieille garde » du cartel. Il présente la particularité de ne jamais avoir été arrêté pendant plus de quarante années de clandestinité. Selon le Département d’État américain, il continuait àdiriger les opérations de trafic de drogue de ce qui restait du cartel de Sinaloa qui est en perte de vitesse depuis l’arrestation d’« El Chapo. »

Selon la même source, il aurait blanchi une partie de ses profits financiers illégaux dans plusieurs entreprises légales au Mexique dont « une grande compagnie laitière, une compagnie de transport routier et un hôtel. » Il aurait également effectué des opérations immobilières « douteuses. »

Parallèlement aux accusations de trafic fentanyl, drogue devenue la hantise de Washington en raison des dizaines de milliers de morts qu’elle aurait provoqué, El Mayo est également accusé aux États-Unis de trafic d’autres drogues diverses et variées, de meurtres, d’enlèvements, de blanchiment d’argent, etc.

Le Département d’État US offrait jusqu’à quinze millions de dollars pour toute information permettant sa capture.

À noter que ce montant est supérieur aux dix millions de dollars proposés pour l’arrestation de Nemesio « El Mencho » Oseguera, le chef du Cartel Jalisco Nouvelle génération (CJNG), l’organisation criminelle mexicaine la plus puissante depuis ces dernières années en guerre ouverte contre le cartel de Sinaloa.

« El Mayo » a commencé par travailler pour le cartel de Juarez dans les années 1980 à 1990, avant de cofonder celui de Sinaloa qui en était au départ une branche dissidente de cette organisation criminelle.

La seconde personne arrêtée de moindre importance mais tout de même déjà « bien connue » des autorités est Joaquín Guzmán « El Guero » López (38 ans), l’un des fils du baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman.

Il figurait en bonne place dans le collimateur des autorités américaines depuis que les autorités mexicaines avaient extradé son père vers les États-Unis en 2016. Il est accusé d’avoir créé avec trois de ses frères (connus sous le nom de « los Chapitos ») d’être parmi les principaux responsables du trafic de fentanyl illicite vers États-Unis.

Pour mémoire, El Chapo a eu dix enfants avec trois femmes: Alejandrina Salazar, Griselda Lopez et Emma Coronel.

Certains considèrent que le rôle de Joaquin dans l’organisation criminelle est secondaire par rapport à celui d’Ovidio « El Raton » capturé en 2023 et extradé vers les États-Unis.

Cependant, le département d’État américain affirme que Joaquin a exercé des « fonctions de commandement et de contrôle de haut niveau » à la fois dans le groupe « Los Chapitos » et dans le cartel de Sinaloa.

Le rôle de Joaquín Guzmán « El Guero » López dans cette affaire

L’avion qui arborait une immatriculation (N8454Z) « empruntée » à un vieux Cessna 205 avait décollé de Sonora au Mexique le 24 juillet à 08 h 00.

L’opération qui aurait duré plusieurs mois consistait à faire croire à El Mayo qu’il allait inspecter des installations clandestines dans le sud du Mexique alors que l’avion s’est posé sur un aérodrome privé de Santa Teresa à proximité d’El Paso au Texas.

Le rôle de Lopez dans cette affaire est plus que trouble. Selon certaines rumeurs, c’est lui qui aurait été la cheville ouvrière de cette opération car il reprochait à El Mayo d’être le responsable de l’arrestation et de la condamnation de son père puis de celle de son frère Ovidio « El Raton. » L’avocat d’El Mayo a même prétendu que Lopez avait séquestré et enlevé son client.

Il n’y avait que trois personnes à bord de l’avion : les deux prévenus et le pilote. Ce dernier dont on ne connaît pas le sort savait bien où il posait son appareil.

El Mayo a comparu devant la Cour fédérale des États-Unis du district ouest du Texas dès le 25 juillet matin et son avocat à plaidé « non coupable. » Il a clairement accusé Lopez d’avoir forcé physiquement son client à embarquer dans l’avion.

On apprendra dans l’avenir ce qu’il en est réellement, en particulier si Lopez obtient une condamnation réduite et si les membres de sa famille incarcérés aux USA bénéficient d’un régime d’incarcération plus allégé.

Le ministre mexicain de la sécurité, Rosa Rodriguez, a déclaré que son gouvernement avait été informé de la détention des deux hommes par le gouvernement américain, mais que les autorités mexicaines n’étaient pas impliquées dans l’opération menée pour les appréhender.

El Mayo était resté très discret suite à l’arrestation de divers associés et membres de sa famille, dont certains, comme son frère Jesus « El Rey » Zambada García et l’un de ses fils, Vicente Zambada Niebla alias « El Vincentillo » qui, en échange d’une certaine « mansuétude » des autorités ont coopéré avec le DHS américain (d’où éventuellement le déclenchement de cette opération.)

Il n’empêche que cette opération  reste un succès indéniable pour les autorités américaines. Elle intervient à peine deux mois après que son neveu, Eliseo Imperial Castro, alias « Cheyo Ántrax » ait trouvé la mort dans une embuscade à Culiacán. Il était un responsable de l’aile sécuritaire de sa faction du cartel de Sinaloa.

Le cartel de Sinaloa aura du mal à survivre à cette décapitation. Cela dit, le trafic de drogues issues du continent latino-américain perdura. En effet, si l’ère des grands cartels semble passée, leurs activités ont été reprises par de plus petites organisations (los cartelitos) plus difficiles à saisir pour les autorités. De plus, leur méthode principale ne change pas : la corruption.

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Texte

Alain Rodier