Ovidio Guzman, alias « El Raton » né le 29 mars 1990, l'un des fils du célèbre baron de la drogue emprisonné aux États-Unis, Joaquin « El Chapo » Guzman, a été arrêté le 5 janvier lors d'une opération menée par les forces de sécurité mexicaines dans la région de Culiacan, la capitale de l'État de Sinaloa dans le nord-ouest du pays.

Cette capture a été suivie par de nombreux combats entre les forces de l’ordre et les sicarios qui voulaient libérer cette figure emblématique des cartels de la drogue.
À savoir qu’il dirige la bande « Los Chapitos » qui comprend ses trois autres frères Joaquín Guzmán López, Ivan Archivaldo et Jesus Alfredo, liée au cartel de Sinaloa aussi connu comme le cartel du Pacifique.

Ce cartel a été fondé il y a quarante ans par son père « El Chapo » qui purge une peine à perpétuité plus trente ans… dans le pénitencier d’ASX Florence, surnommée l’« Alcatraz des Rocheuses ».

Après l’arrestation d’« El Chapo » en 2016 suivie de son extradition vers les États-Unis en 2017, le cartel de Sinaloa s’est scindé en deux parties : celle dirigée par ses fils une autre par Ismael « El Mayo » Zambada, un baron historique de la drogue et proche d’« El Chapo ». Il est le seul des 37 barons de la drogue les plus recherchés par les autorités mexicaine depuis 2009 à n’avoir jamais été arrêté (ou neutralisé). La rumeur court que c’est lui qui aurait « donné » la localisation de la cache d’Ovidio Guzman aux forces de sécurité.

Cela dit, Los Chapitos sont aussi en guerre contre le Cartel de Jalisco nouvelle génération (CJNG) et le coup peut être également être venu de là. Il y a deux manières de neutraliser un concurrent au Mexique : le faire assassiner ou arrêter.

Ovidio Guzman a été transféré à bord d’un avion de l’armée de l’Air jusqu’à Mexico, où il a été conduit dans le bureau d’un procureur spécialisé dans la criminalité organisée. Inculpé, il a été transféré par hélicoptère vers la prison d’El Altiplano d’où son père s’était évadé en 2015.

• Suite à cette arrestation, des combats se sont déroulés dans la région de Culiacan durant plusieurs jours entre les forces de sécurité et des hommes armés. Selon le secrétaire à la Défense Luis Cresencio Sandoval, « dix militaires (…) ont malheureusement perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions » et 35 autres ont été blessés. Il y aurait eu 19 morts parmi les sicarios. 21 personnes auraient été arrêtées. Par miracle, il n’y aurait pas eu de victimes civiles.
• L’aéroport international de Bachigualato (de Culiacan) a été attaqué le premier jour, un avion de ligne étant atteint par au moins un impact de balles. Deux Boeing 737 de l’armée de l’Air mexicaine ont été vus brièvement sur cet aéroport. Un avion de transport léger militaire C-295 aurait été contraint d’y effectuer un atterrissage d’urgence après avoir été atteints par des tirs.

Les combats qui ont fait rage ont obligé l’armée à engager des appuis aériens pour débloquer des barrages routiers établis par les criminels. Un avion CN-235 Persuader de surveillance maritime de la Marine mexicaine et un Beechcraft King Air de l’Armée de l’air ont tourné dans le ciel de la région.

Au moins un PC-7 a effectué des tirs air-sol. Les sicarios ont répliqué avec des fusils Barrett de 12,7mm et des mitrailleuses M-2 de même calibre montées sur des pick-up.
Un hélicoptère de la police MD 902E armé d’une mitrailleuse gatling a effectué des tirs de nuit en zone urbaine.

« El Raton » était recherché par les autorités américaines pour trafic de cocaïne, de méthamphétamine et de marijuana aux États-Unis.
Le cartel de Sinaloa est considéré par la Drug Enforcement administration (DEA) comme le principal responsable du trafic de fentanyl, une drogue 50 fois plus puissante que l’héroïne. Cette drogue a causé de nombreux décès par overdose aux États-Unis.
Enfin, Ovidio est suspecté avoir ordonné l’assassinat d’informateurs, d’un trafiquant de drogue et d’un célèbre chanteur qui avait refusé de venir chanter à son mariage (la liste des artistes mexicains assassinés est si longue qu’il est difficile de savoir lequel était concerné).

« El Raton » avait été brièvement arrêté en octobre 2019 puis relâché sur ordre du président Andrés Manuel Lopez Obrador après les violents incidents survenus dans la région de Culiacan qui avaient suivi son arrestation. Le président avait argué qu’il fallait éviter un bain de sang.

L’arrestation d’« El Raton » est survenue avant un sommet réunissant dirigeants américain, mexicain et canadien qui débute ce lundi. Le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a exclu toute extradition « express » de l’intéressé vers les États-Unis.

Mais après avoir tenté sans succès pendant 15 ans de vaincre les puissants cartels de la drogue à l’aide de la force armée, les États-Unis et le Mexique ont décidé en 2021 de s’attaquer davantage à la pauvreté qui est à la base du narcotrafic.

Une autre opération policière a été menée le 7 janvier à Ciudad Juárez (en face de la ville américaine d’El Paso), dans le nord du Mexique. Ernesto Alfredo Piñón alias « El Neto », le chef du gang « Los Mexicles » allié au CJNG dans sa guerre contre celui de Sinaloa a été tué.
Ce dernier s’était évadé le 1er janvier 2023 avec 24 autres prisonniers d’une prison de Ciudad Juarez lors d’une attaque armée – doublée d’une mutinerie intérieure – contre l’établissement pénitentiaire qui avait fait 19 morts dont 10 gardiens. Les autorités avaient alors découvert des cellules « VIP » à l’intérieur de l’établissement avec télévisions grand écran, réfrigérateurs, téléphones portables, accès internet, drogues et argent liquide en quantité, le tout protégé par des hommes en armes… Cet état de fait est une constante dans de nombreux établissements pénitentiaires latino-américains.

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Texte

Alain Rodier

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