Le secrétaire britannique à la Défense Grant Shapps a déclaré que les forces navales de sa Gracieuse Majesté et américaines avaient repoussé la plus grande attaque jamais menée par les rebelles d'Ansar Allah (Parti de Dieu) yéménite connus comme les Houthis contre des navires en mer Rouge.

Les rebelles yéménites ont tiré au moins 21 drones et missiles dans la nuit du 9 janvier.

Ils ont été abattus par des avions embarqués et quatre navires de guerre. Aucun blessé ni dommage n’a été signalé.

Le commandement central de l’armée américaine a déclaré que l’attaque de mardi était la 26ème depuis le 19 novembre.

Les Houthis ciblent régulièrement des navires transitant par la mer Rouge en réponse à la guerre dans la bande de Gaza. Ils affirment – souvent à tort – que les navires visés sont liés à Israël.

Vers 21h15 heure locale, des drones d’attaque, des missiles de croisière antinavires et un missile balistique ont été lancés depuis les zones du Yémen contrôlées par les Houthis vers les voies de navigation internationales dans le sud.

Dans le détail, dix-huit drones, deux missiles de croisière et un missile balistique ont été abattus par des avions de combat F/A-18 du porte-avions USS Dwight D Eisenhower déployé sur zone et par quatre destroyers : l’USS Gravely, l’USS Laboon, l’USS Mason et HMS Diamond.

La BBC a précisé que l’HMS Diamond a abattu sept drones Houthis à l’aide de ses missiles de défense aérienne Sea Viper. Chaque munition coûte environ 1,3 million de dollars.

Au début janvier, les États-Unis, le Royaume-Uni et dix autres pays – dont l’Allemagne, l’Italie, l’Australie, Bahreïn et le Japon (mais pas la France ni l’Espagne) – ont émis un avertissement dans une déclaration commune qui a été largement interprétée comme une menace d’action militaire contre des cibles Houthis au Yémen. Ils ont déclaré que les attaques constituaient « une menace directe à la liberté de navigation qui constitue le fondement du commerce mondial sur l’une des voies navigables les plus critiques du monde ». Suite à la dernière action houthie, cet  avertissement a été renouvelé par Londres et Washington.

Près de 15 % du commerce maritime mondial passe par la mer Rouge, qui est reliée à la Méditerranée par le canal de Suez et constitue la route maritime la plus courte entre l’Europe et l’Asie. Pour le moment, le trafic maritime est fortement réduit dans la région ce qui laisse craindre que les prix des hydrocarbures devraient augmenter et que les chaînes d’approvisionnement pourraient en souffrir. De plus, l’économie égyptienne risque de considérablement souffrir de la diminution du trafic empruntant le canal de Suez qu’elle exploite.

Mais les marchandises classiques sont aussi touchées. Ainsi, la Chambre internationale de la marine marchande affirme que 20 % des porte-conteneurs évitent désormais la mer Rouge et empruntent plutôt la route beaucoup plus longue qui contourne le continent africain par le Cap de Bonne-Espérance.

Les Houthis affirment qu’ils ciblent des navires appartenant à des Israéliens ou commerçant avec l’État hébreu pour montrer leur soutien au groupe palestinien Hamas depuis le début de la guerre à Gaza en octobre. Le 5 janvier, le « ministère des Affaires étrangères » du gouvernement houthi à Sanaa a rejeté la déclaration des alliés occidentaux et a insisté sur le fait que la navigation était « totalement sûre » dans la mer Rouge « à l’exception des navires à destination des ports de Palestine occupée […] Il s’agit d’une mesure humanitaire à la suite des pratiques barbares commises par l’entité sioniste [Israël] contre les civils à Gaza ».

La position des Houthis ne devrait pas changer « jusqu’à la levée du siège sauvage » du territoire palestinien.

Pour rappel, les rebelles houthis ont pris le contrôle de la capitale yéménite Sanaa en 2014. Ils se sont emparés d’une grande partie de l’ouest du pays l’année suivante incitant une coalition dirigée par l’Arabie saoudite à intervenir pour soutenir le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale.

La guerre qui a suivi aurait fait plus de 150.000 morts et laissé 21 millions autres personnes dans le besoin d’une aide humanitaire. L’Arabie saoudite et les États-Unis ont accusé l’Iran de faire passer clandestinement des armements, notamment des drones et des missiles aux Houthis, en violation de l’embargo sur les armes de l’ONU. L’Iran nie cette allégation.

La menace réelle

Les forces houthies ont commencé à mettre en œuvre des armes à longue portée en 2015. Ils ont utilisé ces missiles et drones pour frapper des infrastructures critiques en Arabie saoudite avec un certain succès. À partir de 2016, ils ont commencé à cibler des navires transitant par le détroit de Bab El-Mandeb.

Si les houthis ont développé une véritable industrie d’armement en récupérant certaines manufactures gouvernementales, il semble clair que les Iraniens les ont considérablement aidé sur le plan technique et matériel. Les armements des rebelles yéménites ressemblent visuellement à des modèles iraniens (eux-mêmes souvent dérivés d’armements chinois).

Sur le plan tactique, les missiles antinavires côtiers ont besoin d’une capacité d’acquisition et de suivi très précis surtout que les cibles sont mobiles – même si leur vitesse est relativement lente -. En 2016, les Houthis ont utilisé des radars côtiers pour leurs attaques particulièrement contre des navires émiratis et saoudiens mais trois ont été détruites par la marine américaine cette année-là.

Il est raisonnable de penser que les Houthis ne s’appuient plus sur ces systèmes pour la détection et l’acquisition des cibles.

Il est vraisemblable que le navire de reconnaissance iranien MV Bahshed, opérant dans la mer Rouge, soit responsable de la désignation des objectifs. Cependant, il ne peut fournir que la portée et le relèvement des cibles. Il est donc nécessaire de préciser leurs coordonnées exactes pour parvenir à les atteindre. Il est possible que les Houthis utilisent à la fois des informations ouvertes et des radars sur les navires amarrés dans les ports pour leurs guidages.

Ensuite, certaines armes sont équipées d’autodirecteurs qui peuvent intervenir dans les instants qui précèdent la frappe.

Le missile iranien Noor comparé au Al-Mandeb-2 houthi.

Il est à noter que de puissants missiles antinavires dérivés du missile chinois C-802 (version export du YJ-82) peuvent servir d’arme principale de destruction. L’Iran a créé sur cette base son propre système de missiles antinavires Noor. Les Houthis ont présenté un missile visuellement similaire appelé Al-Mandeb 2. Le Noor qui peut emporter une charge militaire de 165 kilos jusqu’à une distance de 130 kilomètres est équipé d’un système de navigation inertielle pour son vol de croisière puis d’un radar actif pour la phase terminale. Il est possible que la version yéménite ait les mêmes caractéristiques.

En haut, le missile houthi Asif comparé au Khalij Fars iranien en dessous.

Une autre arme est le missile balistique antinavire Asif dévoilé par les Houthis en 2022 (à en juger par les déclarations, il est équipé d’une ogive pesant 650 kg et a une vitesse maximale de Mach 3 dans la phase finale). Il présente de grandes similitudes avec l’Iranien Khalij Fars. L’Iran affirme que ce dernier est équipé d’autodirecteurs électro-optiques et infrarouges. Si cela est vrai, il doit en être de même pour son homologue yéménite.

 

Le Falaq-1 houthi

Les Houthis ont également présenté un missile appelé Falaq-1 avec une tête autodirectrice, également similaire au Khalij Fars mais il s’agit peut-être d’une autre version du Asif cité ci-avant. Il aurait une portée de 200 kilomètres.

Comme indiqué, le point faible des Houthis est le manque de moyens modernes de reconnaissance et de désignation de cibles. Sans eux, les missiles peuvent errer en vol sans jamais trouver l’objectif surtout s’il est mobile comme un navire.

Mais afin d’assurer une couverture étendue de l’espace maritime avec plus de précision, les Houthis utilisent un grand nombre de drones, notamment les Samad-1/2/3. N’ayant pas  d’autodirecteur, la plupart des brouilleurs ne peuvent pas les contrer.

Mais dans le même temps, la faible charge militaire des drones ne constitue pas une menace aussi sérieuse que celle des missiles antinavires.

Les capacités de frappe maritime des Houthis sont suffisamment développées pour représenter un défi considérable en matière de défense aérienne. Toutefois, il est évident que l’absence de capacités de ciblage empêche que ces armes ne soient utilisées à leur plein potentiel. Des améliorations à cet égard augmenteraient les risques pour les navires civils et militaires dans la région. Cela serait exacerbé si les Houthis parvenaient à coordonner de grandes salves de missiles et de drones sur des cibles uniques, l’effet de saturation – et destruction – serait alors grandement amplifié.

Quant à la menace d’intervention de la coalition contre les installations houthies au Yémen, il est loin d’être certain qu’elle pourrait avoir des résultats significatifs. En effet, les objectifs à traiter – quand ils sont connus – sont multiples, éparpillés sur d’immenses étendues désertiques et pour nombre d’entres-eux mobiles.

Les Saoudiens et Émiratis – qui possèdent un arsenal moderne fourni par l’Occident – se sont cassés les dents sur les Houthis depuis 2015 et tentent actuellement de se sortir de ce bourbier. Il est difficile d’imaginer Washington et ses alliés plonger dans ce piège qui constituerait aussi un problème politique dans la mesure où une intervention constituerait une entrée directe dans le conflit qui se déroule à Gaza en ce moment.

Par contre, dans le cadre de la campagne présidentielle qui débute aux États-Unis, il n’est pas exclu que l’équipe du président et théoriquement candidat Joe Biden décide de mener une opération militaire spectaculaire mais limitée histoire de montrer qui est le patron. Le nom de cette action promotionnelle pourrait être : « un grand coup d’épée dans le sable ».

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