Le 12 décembre, des jihadistes ont pris d'assaut un poste militaire dans la localité de Daraban située à une soixantaine de kilomètres de la ville de Dera Ismail Khan dans la province de Khyber Pakhtunkhwa (KP) située à la lisière des régions tribales à la frontière avec l’Afghanistan. Presque en même temps, deux attentats à la bombe ont eu lieu dans la même localité.
Les autorités ont décompté au moins 23 membres des forces de sécurité tués mais le bilan pourrait dépasser la trentaine. Au moins 34 personnes ont été blessées et emmenées dans un hôpital militaire à Dera Ismail Khan.
Selon un communiqué de l’Inter-Services Public Relations (ISPR), la branche communication de l’armée pakistanaise, un véhicule bourré d’explosifs a été lancé contre la porte d’entrée d’un poste militaire, « les explosions qui en ont résulté ont entrainé l’effondrement du bâtiment, faisant de multiples victimes ». Il se trouve que ce poste abritait un important dépôt de munitions qui approvisionnait toutes les forces étatiques pakistanaises dans la région. Il aurait également explosé, du moins en partie…
27 « terroristes » qui ont pris part aux évènements tragiques auraient également été neutralisés.
Des opérations militaires ont été lancées pour tenter d’éradiquer la menace terroriste mais la corruption endémique qui règne sur place ne facilite pas la tâche des forces de l’ordre.
Le groupe pakistanais Tehreek-e-Jihad Pakistan (TJP) a revendiqué ces actions armées.
Il prétend être lié aux Taliban pakistanais, le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), un groupe armé en conflit avec l’État depuis des années. Des négociations avaient amené une trêve en 2022 mais elles ont été rompu par le TTP qui a repris ses opération dans la région de Dera Ismail Khan est considérée comme son fief historique.
Toujours est-il que le TTP a nié être derrière ces dernières attaques mais Islamabad soutient la version comme quoi le TJP fait bien partie du TTP…
Le TJP est apparu récemment puisqu’il a été fondé en février 2023 avec le mollah Abdullah Yaghistani alias « mollah Yasar » comme émir. À noter que ce dernier vit dans la région de Kandahar au sud-est de l’Afghanistan (frontalier avec le Pakistan). Le groupe a publiquement annoncé sa création sur la plate-forme de médias sociaux X affirmant vouloir établir un système islamique au Pakistan par le biais du jihad armé. C’est exactement le même objectif que celui du TTP.
Depuis, le TJP a revendiqué plusieurs attaques contre des forces de sécurité au Pakistan. Parmi les incidents notables, on peut citer une attaque contre le camp militaire du Corps pakistanais des frontières au Baloutchistan, une attaque contre un collège à Khyber Pakhtunkhwa (KP) et une autre attaque à Kabal Tehsil dans la même région.
Par contre, il a condamné la « Province de Khorasan de l’État Islamique » (Islamic State – Khorasan Province, ISIS–K)pour l’attentat à la bombe de Khar en juillet 2023 qui a fait plus de cinquante victimes.
Les activités de TJP, ainsi que celles d’autres groupes militants, ont contribué à une augmentation du nombre d’attaques contre les forces de sécurité pakistanaises. Au troisième trimestre de 2023, il y avait eu plus de 190 actes terroristes au Pakistan et au moins 445 membres des forces armées pakistanaises ont été tués par différents groupes.
En janvier, plus de cent personnes avaient péri lorsqu’un kamikaze avait ciblé une mosquée à Peshawar. Le Jamaat-ul-Ahrar (« Congrégation des hommes libres ») en avait revendiqué la paternité. Branche dissidente du TTP, il avait annoncé en 2014 apporter son soutien à l’ISIS-K mais avait appelé à une réconciliation de cette entité avec Al-Qaida. En mars 2015, le Jamaat-ul-Ahrar était revenu au sein du TTP sous l’effet d’une médiation menée par Al-Qaida.
Les experts pensent que le TTP a été enhardi par les Taliban afghans à la suite du retour au pouvoir du groupe en Afghanistan voisin en 2021.
Islamabad a affirmé que les insurgés opèrent à partir de zones situées de l’autre côté de la frontière. Les Taliban en Afghanistan l’ont nié à maintes reprises.
Le Pakistan est l’exemple même qui démontre que le monde musulman est profondément divisé (sans compter le fossé existant d’ailleurs entre les chiites et les sunnites). Le pouvoir d’Islamabad respecte déjà des règles politco-religieuses très strictes. Et pourtant, il est combattu par des groupes encore plus radicaux que ne parviennent pas à s’unifier car ils se séparent entre « pro-Al-Qaida » et « pro-Daech ». Une réconciliation de ces deux entités (qui est en train de se faire au Sahel(1) serait une catastrophe pour leurs adversaires car cela décuplerait leur pouvoir de nuisance.
En Afghanistan voisin, les Taliban au pouvoir tolèrent Al-Qaida mais sont en guerre contre l’ISIS-K. En outre, pour le moment, les Taliban afghans sont encore considérés comme de « mauvais Taliban » alors que les « Taliban pakistanais comme de « bons taliban » (avec des haut et des bas).
Précision orthographique : on dit « un Taleb » et « des Taliban ». Le mot signifie « étudiant en religion ».
1 . Voir : « Combats au Mali » du 12 décembre 2023.
Publié le
Texte