Une importante opération policière destinée à lutter contre la corruption dans l’État d’Amazonas au nord-ouest du pays a été menée à la fin août.

Elle a été conduite simultanément dans deux municipalités d’Amazonas et de l’État de São Paulo par le Groupe d’Action Spéciale de Lutte contre le Crime Organisé (GAECO) du Ministère Public d’Amazonas (MPAM) en collaboration avec la Police Fédérale avec le soutien du GAECO-MPSP (São Paulo).

L’objectif de l’opération n’était pas banal : enquêter sur des « irrégularités » au sein du Secrétariat à la Sécurité Publique (SSP) qui supervise tous les services civils et militaires de l’État.

Jusqu’à présent, six responsables ont été arrêtés et/ou licenciés, dont le chef de l’agence de sécurité de l’État, le général de division Carlos Alberto Mansur, qui  nie les accusations dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux.

Son fils, Víctor Mansur, qui dirigeait une unité spéciale chargée des infractions liées au trafic au sein de l’agence, a également été arrêté à São Paulo pour son implication présumée dans des vols d’or et des pots-de-vin.

Wilker Barreto, député de l’État d’Amazonas, a déclaré à propos du limogeage du général : « c’est le couronnement d’une politique de sécurité publique inexistante et d’un secrétaire dépourvu de la moralité nécessaire pour diriger ». Il a ajouté à propos de l’arrestation de son fils : « c’est la cerise sur le gâteau, si on peut l’appeler ainsi ».

L’agence de sécurité de l’État d’Amazonas avait déjà connu des cas de corruption parmi les fonctionnaires de rang inférieur.

Une enquête menée en juillet 2021 avait conduit à des accusations criminelles contre un officier du renseignement et un officier de la police civile accusés d’avoir extorqué de l’or à des mineurs clandestins.

Les responsables des services de sécurité profitent de leur autorité pour s’impliquer directement dans des activités criminelles, utilisant les renseignements qu’ils détiennent pour racketter des membres d’organisations criminelles tout en leur offrant leur « protection ».

« Comboio » (« Convoi »), le nom de l’opération fait référence à des allégations selon lesquelles des responsables sécuritaires auraient utilisé des véhicules gouvernementaux escortés pour transporter de l’or et de la drogue.

Cette affaire s’ajoute aux suspicions croissantes d’une corruption généralisée qui perdure au sein des forces militaires et de sécurité de l’État d’Amazonas.

Depuis son élection en octobre 2022, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a pris des mesures pour tenir sa promesse de lutter contre la déforestation et la criminalité environnementale en Amazonie en lançant notamment des opérations pour expulser les mineurs clandestins des terres protégées, en contestant de nouveaux projets d’exploitation forestière illégale tout en annonçant un soutien social et économique envers ceux dont la survie dépend jusqu’à présent de l’exploitation minière et forestière illégale.

Ainsi, en juillet 2023, le pays a enregistré une baisse de 60 % de la déforestation par rapport au mois de juillet précédent.

Mais, Benjamin Lessing, expert de l’Université de Chicago sur le crime organisé et la corruption au Brésil a déclaré : « il semble qu’il y a des éléments au sein des forces armées qui sont non seulement opposés au programme de lutte contre l’exploitation minière illégale, les saisies illégales de terres et de protection des droits des autochtones en Amazonie, mais qui sont peut-être eux-mêmes liés et investis dans certaines activités [criminelles] ».

Il s’agit d’un défi supplémentaire dans la lutte déjà compliquée du président Lula pour contrer la criminalité dans la forêt amazonienne, compliquant la solution souvent proposée qui consiste à accroître la présence sécuritaire.

L’élargissement du mandat et de l’autorité des forces de sécurité ne fonctionnera que si le type de corruption de haut niveau constaté lors de l’opération « Comboio » ne fait pas dérailler la mission.

Benjamin Lessing explique : « lorsqu’il existe une tradition de corruption au sein de la police et des bureaucraties liées à la sécurité, vous êtes alors confronté à un véritable dilemme […] Plus vous donnez de pouvoir répressif, plus vous investissez dans leur capacité à réprimer les criminels… plus vous augmentez leur pouvoir d’extorquer des pots-de-vin et des revenus illicites aux personnes qu’ils sont censés combattre »…

L’État d’Amazonas est presque entièrement couvert par la forêt amazonienne.

Sa capitale, Manaus, est une plaque tournante pour l’or extrait illégalement dans la région amazonienne ainsi qu’un point de transit pour la cocaïne introduite clandestinement en provenance du Pérou et de la Colombie.

Bien qu’il ne s’agisse pas de la première affaire de corruption dans cet État, peu de hauts responsables d’Amazonas avaient été directement liés à des crimes environnementaux.

Cela contraste avec d’autres États de l’Amazonie brésilienne, comme Roraima voisin de celui d’Amazonas) où les responsables de la sécurité ont été accusés d’avoir fourni des armes et divulgué des informations à des groupes miniers clandestins.

Le Brésil est connu pour ses violences qui font plus de 60.000 victimes/an et organisations criminelles transnationales (Comando Vermelho, Primeiro Comando da Capital et Comando Classe A) qui coopèrent avec leurs homologues latino-américaines tout en gardant leur spécificité « portugaise ». Violence omniprésente et corruption généralisée font partie de ses fondamentaux.

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Texte

Alain Rodier