Le président turc Recep tayyip Erdoğan accompagné d’une importante délégation regroupant des membres de son gouvernement et des industriels effectue un voyage officiel en Arabie saoudite puis au Qatar et enfin aux Émirats arabes unis. Cette tournée qui peut paraitre rapide (Erdoğan ne vient pas faire du « tourisme » mais des affaires) a été préparée dans le détail depuis de longs mois mais ne pouvait avoir lieu qu’après sa réélection pour cinq ans à la présidence, ce qui a été fait en mai.

Globalement, les investissements et les financements des pays du Golfe contribuent à soulager la pression qui pèse sur l’économie turque et ses réserves de change depuis 2021, date à laquelle Ankara a lancé un effort diplomatique pour rétablir les relations avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU). La Turquie était en désaccord depuis des années avec ces deux pays au sujet du soutien d’Ankara aux mouvements « pro-démocratie » au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en 2018.

Pour le Qatar, cela est différent car les deux pays coopèrent étroitement depuis des années sous la discrète influence des Frères musulmans.

Mais la situation économique turque est toujours préoccupante puisque le déficit budgétaire d’Ankara a atteint sept fois son niveau de juin 2022 et l’inflation annuelle à la mi-2023 est proche de 40 %. Cela dit, il convient de raison garder, cette situation en Turquie perdure depuis plus de quarante ans et le pays est toujours une puissance régionale courtisée par les grandes puissances.

Lors d’un point de presse à l’aéroport d’Istanbul le 17 juillet avant son départ, le président Erdoğan a déclaré : « notre programme est l’investissement conjoint et les activités commerciales. Notre volume d’échanges bilatéraux avec les pays du Golfe est passé de 1,6 milliard de dollars à environ 22 milliards de dollars au cours des 20 dernières années… ».

Le président a aussi souligné la nécessité d’une coopération étroite entre la Turquie et les pays du Golfe pour « répondre aux crises dans le monde islamique ».

 

Arabie saoudite

Différents accords ont été finalisés par le président Erdoğan et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman (MBS) dans la ville de Djeddah le 17 juillet.

Ainsi, les ministres de la Défense des deux pays Yaşar Güler et le prince Khalid bin Salman Al-Saoud ont signé un « plan de mise en œuvre pour la coopération.

Dans le détail, Riyad a accepté le 18 juillet d’acheter des drones turcs Bayraktar Akinci dans le cadre du « plus gros contrat de défense de l’histoire de la Turquie ». Erdoğan et le prince Salman ont assisté à la cérémonie de signature entre la société de défense turque Baykar représentée par son directeur général, Haluk Bayraktar, et le vice-ministre saoudien de la Défense, Khalid Bin Hussein Al-Bayari. L’Arabie saoudite va acquérir les drones « dans le but d’améliorer l’état de préparation des forces armées du royaume et de renforcer ses capacités de défense et de fabrication », a déclaré le ministre de la Défense saoudien, le prince Khalid bin Salman sans donner de détails sur la valeur marchande de l’accord.

Ce dernier implique une coopération sur le transfert de technologies et la production conjointe « afin de faire progresser la capacité de développement de haute technologie des deux pays ».

Le développement d’une industrie militaire locale fait partie d’un plan ambitieux de MBS visant à diversifier l’économie du royaume et à se décrocher autant que possible des Américains.

Un autre accord intitulé « Mémorandum d’accord sur la promotion de l’investissement direct » a été signé par le chef du bureau de l’investissement de la présidence turque, Burak Dağlıoğlu, et le ministre saoudien de l’investissement, Khalid Al-Falih.

Dans le domaine des communications, le responsable des médias et de la communication au sein de la présidence turque, Fahrettin Altun, et le ministre saoudien des médias Salman bin Yusuf Al-Dawsari ont signé un mémorandum de coopération.

Dans le secteur de l’énergie, le ministre turc de l’Énergie et des Ressources naturelles, Alparslan Bayraktar, et son homologue saoudien, le prince Abdulaziz bin Salman Al-Saud, ont fait de même.

 

Qatar

Erdoğan est arrivé au Qatar le 18 juillet où s’est entretenu en tête-à-tête avec l’émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, qui l’a accueilli lors d’une cérémonie officielle au palais de Lusail.

Ensuite, ils ont assisté à des réunions bilatérales et à un dîner officiel.

La dernière étape de la tournée d’Erdoğan l’emmènera aux Émirats arabes unis (EAU) où il doit rencontrer le président Cheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan à Abou Dhabi le 19 juillet.

Comme à l’intérieur, le président Erdoğan démontre à l’international ses capacités de fin stratège. Il ne s’embarrasse pas de principes, sait faire demi-tour quand il le juge utile. Surtout, il parvient à rendre la Turquie comme un interlocuteur incontournable. La faiblesse économique du pays est en partie palliée par la grande rusticité d’une partie de sa population et par le fait qu’Ankara sait toujours négocier avec les uns et les autres en faisant jouer la concurrence.

Enfin, il ne faut pas oublier que le mot « bakchich » très important en Turquie a une origine persane passée ensuite à l’arabe et au turc…

Publié le

Texte

Alain Rodier