Le Premier ministre irakien, Mohammed Chia al-Soudani, a reçu à Bagdad le 7 mars le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin. Mais, d’autre part, l’Irak a connu ces derniers temps une intense activité diplomatique, les représentants d'Arabie Saoudite, d'Iran, de Russie et le secrétaire général de l'ONU ayant fait le déplacement.

À son arrivée, Lloyd Austin a été accueilli par le général de division Matthew McFarlane mais pas par un officiel de haut niveau irakien.
Quant au but de son voyage, le chef du Pentagone a indiqué sur son compte Twitter : « je suis ici pour réaffirmer le partenariat stratégique entre les États-Unis et l’Irak au moment où nous allons vers un Irak plus sûr, stable et souverain ».

Cette visite intervient au moment où l’Irak commémore les vingt ans de l’invasion américaine controversée de l’Irak alors dirigé par le dictateur Saddam Hussein. En effet, le 20 mars 2003, les forces américaines avaient lancé leur offensive appuyées par une coalition internationale. Cette opération n’avait pas été approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Lloyd Austin, alors chef d’état-major de la 3ème division d’infanterie (mécanisée) aux opérations étant décoré de la Silver star pour sa conduite au feu. En 2010, il a été nommé commandant en chef des forces américaines en Irak supervisant leur retrait en 2011.
Même si fin 2021, Bagdad a annoncé la « fin de la mission de combat » de la coalition internationale, elle reste déployée sur le sol irakien avec un rôle de formation et de conseil.
À ce titre, quelque 2.500 militaires américains sont toujours présents dans le cadre de la lutte contre Daech.

Depuis, l’Irak connaît une période d’instabilité chronique étant partagé entre les populations chiites majoritaires, sunnites et kurdes (les Kurdes sont majoritairement sunnites). La désunion est également la règle au sein même de ces populations. Enfin, Daech est toujours présent créant un climat d’insécurité, en particulier au sud du Kurdistan et dans la province d’Al-Anbar frontalière avec la Syrie. Selon un rapport de l’ONU paru en février 2023, l’État Islamique continue de mener une stratégie insurrectionnelle en Irak et en Syrie. En 2022, Daech a ainsi revendiqué 483 actions en Irak et 279 en Syrie. Cela est en nette diminution depuis 2020 mais cela signifie aussi que ce mouvement salafiste-jihadiste n’est pas vaincu dans les limites de son ancien proto-État.

Aujourd’hui, Bagdad conserve des liens très étroits avec Washington tout particulièrement sur le plan militaire. Mais parallèlement Bagdad a renoué progressivement des relations avec Téhéran, ce qui n’est pas du goût de Washington. L’Irak s’est également tourné vers l’Arabie saoudite pour entretenir des relations plus apaisées.

Lors de sa visite, Lloyd Austin a aussi rencontré le ministre de la Défense Thabet al-Abbassi. Il a déclaré : « je suis optimiste quant à l’avenir de notre partenariat. Les États-Unis continueront de renforcer et d’élargir notre partenariat en faveur de la sécurité, la stabilité et la souveraineté irakienne ».

De son côté, le Premier ministre irakien, Mohammed Chia al-Soudani, a souligné la volonté de son gouvernement de « renforcer et consolider » ses relations avec Washington mais avec un bémol en disant chercher à « maintenir des relations équilibrées » avec les puissances régionales et internationales…

Lloyd Austin a assuré que les forces américaines pourraient rester sur demande des autorités irakiennes mais il a prévenu : « nous devons être en mesure d’opérer en toute sécurité pour poursuivre ce travail vital ». Ces dernières années, des bases abritant la coalition ont été la cible de roquettes et de drones armés, actions jamais revendiqués mais souvent imputées à des milices armées pro-Iran.

Cette visite ne peut pas être interprétée en dehors de la montée des tensions avec la République islamique d’Iran. Washington reproche à Téhéran de soutenir l’effort de guerre russe en Ukraine et craint, en retour, la livraison d’armements sophistiqués à l’Iran. En arrière plan, Israël menace de frapper les infrastructures iraniennes participant à l’effort militaro-nucléaire de ce pays(1). L’Irak constituerait dans ce cas un point de passage obligé et Washington ne peut l’ignorer.
En clair, les Américains sont officiellement là pour lutter contre Daech (ce qui n’est pas faux) mais surtout pour surveiller l’Iran.

1. Voir : « Bras de fer entre la Russie et Israël à propos de l’Iran » du 6 mars 2023.

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Texte

Alain Rodier

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