Téhéran a déclaré le 29 janvier avoir « repoussé une attaque menée par des drones » sur un site militaire situé le long de la voie rapide Imam Khomeini à Ispahan, ville située au du centre du pays.

Le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian a précisé dans la presse : « un acte lâche a été mené aujourd’hui pour rendre l’Iran moins sûr […] de telles actions ne peuvent affecter la volonté de nos experts pour le développement du nucléaire pacifique ».
Pour sa part, le ministère de la Défense a annoncé l’échec d’une attaque menée « en utilisant des micro-drones sur l’un des complexes [du ministère] du ministère à Ispahan ».

Toujours selon la même source, cette action s’est déroulée le 28 janvier vers 23 heures 30, heure locale. Elle n’a pas fait de victime mais a causé « des dégâts mineurs à la toiture» d’un bâtiment et « n’a pas provoqué de perturbation dans le fonctionnement du complexe».

Selon l’Agence de presse officielle Irna, trois quadricoptères (des drones munis de quatre rotors) ont ciblé « une usine de fabrication de munitions » située dans le nord de la ville. Les restes d’un de ces drones « ont été remis aux forces de sécurité stationnées dans le complexe».

Selon des officiels, l’un aurait été touché par des tirs de la défense anti-aérienne et les deux autres auraient explosé grâce à un système anti-aérien de défense électronique. Il est légitime de s’interroger sur la réalité de cette déclaration car la défense anti-aérienne iranienne ne prend que très peu en compte ce type de menace.

Par ailleurs, Téhéran n’a accusé aucun groupe ou pays c’être à l’origine de cette affaire.

Il est toutefois utile de l’inscrire dans un contexte de tensions liées à plusieurs facteurs :
. les négociations qui devraient relancer l’accord international sur le nucléaire iranien (JCPOA) conclu en 2015 mais interrompu par la sortie des États-Unis en 2018 ;
. le soutien apporté par Téhéran à la Russie (fourniture de drones) à l’occasion de l’invasion de l’Ukraine ;
. les manifestations populaires survenues après la mort en détention de Mahsa Amini en septembre pour « port incorrect du voile » ;
. l’assassinat à l’arme à feu le 27 janvier du chef de la sécurité de l’ambassade d’Azerbaïdjan à Téhéran qui a amené l’évacuation de l’ensemble du personnel diplomatique (et de leurs familles) à la fin janvier. L’Iran entretient de très mauvaises relations avec ce pays en raison du soutien que Téhéran apporte à l’Arménie dans le conflit qui l’oppose à l’Azerbaïdjan ;
. le Corps des gardiens de la Révolution (pasdarans) est sous le coup d’une désignation comme « organisation étrangère terroriste » par l’Union européenne…

Curieusement, selon l’Irna, lors de la même nuit du 28 au 29 janvier, un incendie s’est déclaré dans une raffinerie de pétrole à Tabriz.
Des explosions et des incendies ont également été signalés dans la même nuit à Karaj dans la province d’Alborz et à Azarshahr dans celle d’Azerbaïdjan oriental.

Pour ajouter à la confusion, un tremblement de terre d’une magnitude de 5.9 a frappé le 28 janvier la ville de Khoy au nord-ouest du pays (Azerbaïdjan occidental) causant la mort d’au moins trois personne et faisant plus de 800 blessés.

Si ce sont vraiment des drones quadricoptères qui ont été à la base de la première attaque, ils ne pouvaient que parvenir de l’intérieur de l’Iran car leurs performances restent limitées (pour les plus sophistiqués, 35 à 40 minutes de vol à une vitesse maximale de 75 kilomètres/heure). Les charges explosives qu’ils peuvent emporter restent très modeste (l’explosion filmée à Ispahan semble le confirmer).

Si ce type d’engin a été vu à l’action en Irak, en Syrie, en Libye, en Arménie et en Azerbaïdjan.
La question qui se pose pour l’Iran : qui a pu mener cette (ou ces) attaque(s) ? Pour l’auteur, ce ne sont pas les Israéliens directement car les dégâts auraient alors été beaucoup plus importants étant donnés leurs moyens techniques. Le regard se tourne plutôt vers des mouvements d’opposition internes – certes aidés directement ou indirectement par l’État Hébreu – avec une petite préférence pour les Moudjahidines du peuple iranien – OMPI – qui ont les personnels « qui vont bien » pour ce type d’opération qui nécessite du renseignement et un minimum d’organisation et de logistique. Il manque une revendication mais c’est rarement dans leurs habitudes de le faire.

La guerre secrète menée contre Israël

L’Iran a attribué à Israël de nombreuses opérations secrètes sur son sol dont l’assassinat de scientifiques liés au développement du nucléaire ou des missiles balistiques. Le dernier en date est celui de Mohsen Fakhrizadeh en novembre 2020(1). Washington aurait demandé à son allié israélien de limiter ce type d’actions jugées contre-productives.
Le Mossad s’est alors tourné vers la neutralisation de pasdarans Baloutchistan (2) et de membres de la force Al-Qods. Les Américains ne peuvent trop rien dire puisqu’ils ont eux-mêmes procédé à la neutralisation du major-général Qassem Soleimani, le chef historique de la force Al-Qods en janvier 2020, et que les affrontements au Baloutchistan sont théoriquement une pure affaire intérieure iranienne dans laquelle ils n’ont rien à voir…

La guerre secrète se poursuit aussi sur mer(3) en particulier en mer d’Arabie mais aussi en mer Rouge. C’est dans cette dimension maritime que pourrait survenir une riposte.

1. Voir : « IRAN : La chasse est ouverte par le Mossad à Téhéran ? » du 30 novembre 2020.
2. Voir : « IRAN : un officier de la force Al-Qods assassiné à Téhéran » du 24 mai 2022.
3. Voir : « Attaque de drone contre un pétrolier israélien » du 17 novembre 2022.

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR