Selon l’Associated Press, des anciens membres des forces spéciales afghanes formés par les Américains seraient recrutés par les Russes pour aller combattre en Ukraine.

Une partie de ces militaires qui n’ont pas été évacués par les Américains lors de leur retrait précipité de l’été 2021 ont été contraints de se réfugier en Iran. En effet, après leur victoire malgré une amnistie de façade, les taliban ont fait la chasse aux « collaborateurs » et les membres des Forces Spéciales ont été particulièrement visés par leur vindicte car considérés comme des traîtres irrécupérables. Leurs familles auraient également été inquiétées.

Trois anciens officiers généraux afghans ont rapporté à l’AP que la Russie espérait attirer des milliers de ces combattants d’élite afghans formés par les Américains pour constituer une « légion étrangère » vraisemblablement encadrée par le groupe Wagner. La SMP nie cette information la qualifiant de « complètement absurde ». Le salaire proposé serait attractif puisqu’il avoisinerait les 1.500 dollars/mois. Mais c’est surtout la possibilité de devenir un résident officiel en Russie et de pouvoir y accueillir sa famille qui serait la motivation première. Ils n’ont pas vraiment le choix car les taliban ne leur pardonneront jamais leur appartenance aux forces spéciales.

L’ONG Human Rights Watch a d’ailleurs déclaré que plus d’une centaine d’anciens militaires, policiers et membres des services de renseignement afghans avaient été tués ou avaient « disparu » lors des trois mois qui ont suivi la chute de Kaboul. De son côté, les Nations Unies ont fait état en octobre de 160 cas documentés d’exécutions extra judiciaires et de 178 arrestations de membres de l’armée ou d’ancien membres du gouvernement.

Ces anciens militaires, en plus de vouloir sauver leur vie et celle de leurs proches en veulent également aux États-Unis qui les ont « abandonné » à leur sort même si c’était pour des raisons juridiques (américaines) connues, la majorité de ces militaires ne travaillant pas directement pour le commandement américain ne pouvant être éligibles pour obtenir un visa d’entrée aux USA. Seuls quelques centaines d’officiers de ces forces ont été évacués.

Le nombre de volontaire est totalement inconnu aujourd’hui tout en sachant que 20.000 à 30.000 Afghans ont servi dans les forces spéciales de l’armée et de la police, mais sur une période de presque 20 ans.

Le dernier chef d’état-major de l’armée afghane et ancien commandant des forces spéciales, le général Haibatullah Alizai, a déclaré que les Russes avaient lancé leur campagne de recrutement dans les régions de Téhéran et de Machhad (une ville située près de la frontière afghane où résident de nombreux réfugiés afghans).

L’Iran qui historiquement a toujours accueilli des réfugiés afghans a créé dans les années 2012-2013 la « Division des Fatimides » ou Liwā’ al-Fāṭamiyūn pour aller combattre en Syrie sous la supervision de la force Al-Qods des pasdarans. Mais ses miliciens de cette unité sont des Chiites duodécimains hazaras qui fuyaient la guerre civile et les exactions de Daech. Il est vraisemblable que les nouveaux réfugiés afghans sont des sunnites, ce qui pourrait expliquer que les pasdarans ne profitent pas de cette manne pour enrôler ces soldats déjà formés.

Étant donnée la situation internationale actuelle, Moscou s’est considérablement rapproché de Téhéran et il est possible que les Iraniens laissent partir une partie de ces recrues vers la Russie. En dehors du bénéfice opérationnel de cette arrivée – qui devrait rester très limité -, c’est surtout un « pied de nez » psychologique infligé à Washington qui voit des volontaires formés par ses propres forces spéciales se retourner contre leur poulain ukrainien… Il y a tout de même une différence notable : les Afghans formés par les Américains n’ont pas fait preuve d’une efficacité extraordinaire, les Ukrainiens aidés par Washington se montrent de redoutables combattants. Tout est dans la motivation des combattants.

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Alain Rodier

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