Le 24 octobre, Merrick Garland, le ministre américain de la Justice a accusé Pékin de tenter de « saper le système judiciaire » des États-Unis. Il annoncé l’inculpation de 13 ressortissants chinois qui travailleraient pour les renseignements de Pékin mais n’a pas précisé combien d’entres-eux avaient été appréhendés.

Il a cité trois affaires différentes qui, selon lui, montraient que « l’État chinois a cherché à interférer avec les droits et les libertés de personnes aux États-Unis et à saper notre système judiciaire qui protège ces droits » avant d’ajouter : « Le ministère de la Justice ne tolèrera aucune tentative de la part d’une puissance étrangère de saper l’état de droit sur lequel notre démocratie est fondée ».

La première affaire implique sept ressortissants chinois accusés d’avoir tenté d’obliger un Américain d’origine chinoise vivant aux États-Unis à retourner en Chine dans le cadre d’une campagne de rapatriement forcé menée par Pékin. Le neveu de la victime serait venu de Chine pour lui dire que la seule manière de s’en sortir était de rentrer au pays. Son fils aurait également aurait reçu la visite d’officiers chinois à domicile et sa famille restée au pays serait menacée d’arrestation. Deux des accusés ont été appréhendés à la mi-octobre à New York.
Des affaires similaires avaient été constatées en 2021. Elles entrent dans le cadre de l’opération « chasse au renard » lancée par le Parti communiste chinois en 2014 qui vise les riches citoyens d’origine chinoise ayant fui le pays et vivant à l’étranger en les accusant de corruption.

Dans la deuxième affaire citée, deux officiers de renseignement chinois, Gouchun He et Zheng Wang, ont été inculpés pour avoir tenté d’entraver des poursuites intentées aux États-Unis contre un géant de l’électronique (la presse US désigne la société Huawei qui a des démêlées avec la justice américaine depuis 2017).
À cette fin, ils auraient dépensé d’importantes sommes d’argent en cash, en Bitcoins et en bijoux en tentant de corrompre un représentant de la justice pour qu’il les informe du déroulé des enquêtes. Ils auraient même rémunéré une page de document classifié 41.000 dollars ! Mais la source des Officiers traitants chinois travaillait en fait comme agent infiltré par le FBI. Les renseignements et le document fournis contre rémunération étaient des faux!

Enfin, dans la troisième qui s’est passée dans le New Jersey, quatre ressortissants chinois dont trois supposés officiers de renseignement ont été inculpés « en lien avec une campagne de longue date des renseignements ciblant des personnes aux États-Unis pour qu’elles agissent en tant qu’agents de la République populaire de Chine », en clair d’avoir tenté de recruter depuis une dizaine d’années des sources américaines. À cette fin, ils se servaient d’un think tank comme couverture en espérant acquérir via leurs (futures) sources des documents technologiques qui auraient été envoyés en Chine. Des fonctionnaires, des anciens membres des forces de sécurité et des universitaires étaient particulièrement ciblés. Ils recevaient des « cadeaux » et se voyaient proposer des voyages en Chine tous frais payés.

Étonnement, ces annonces interviennent au lendemain de la reconduction du président chinois Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois et de la Chine. Or, en matière d’espionnage, les hasards sont peu fréquents.
Il s’agit vraisemblablement d’un « coup de semonce » dans la guerre d’influence que se livrent actuellement Washington et Pékin. Ces déclarations mettent en lumière l’effort grandissant du contre-espionnage américain pour lutter contre les activités des services secrets chinois tout en ne délaissant pas les Russes et les Iraniens.
Bien sûr, cela est loin d’être une nouveauté (1) et les services américains sont aussi actifs en Chine. Mais là, ils semblent avoir rencontré de très gros problèmes car nombre de leurs sources recrutées à grands frais auraient « disparue » ces dernières années. Bien sûr, la tâche est plus aisée pour les services de contre-espionnage agissant dans un pays totalitaire comme la Chine que dans une démocratie, mais la crainte est qu’une taupe chinoise ne travaille au sein de la communauté américaine du renseignement.

Aux États-Unis, actuellement quinze personnes d’origine chinoises sont sous le coup d’inculpations pour espionnage au profit de la RPC. 35 ont été condamnées et 8 innocentées.

1. Voir « Chine : espionnage à tous les étages » du 14 février 2020.

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Texte

Alain Rodier

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