Le mouvement de révolte qui secoue l’Iran depuis la mi-septembre né après la mort de Mahsa Amini, une jeune Iranienne d’origine kurde de 22 ans décédée après son interpellation par la police des mœurs, s’étend désormais à de nombreuses régions du pays.

L’une des plus sensibles est le Sistan-Balouchistan (Sud-Est), frontalière du Pakistan et de l’Afghanistan.

Après des manifestations relativement pacifiques débutées à la mi-septembre, les violences ont vraiment débuté le 30 septembre par des jets de pierres contre un commissariat de police de la capitale provinciale, Zahedan. Ensuite, des hommes armés ont tiré contre ce même bâtiment puis des banques et des bureaux gouvernementaux auraient été pillés et incendiés. Les forces de sécurité ont répliqué en ouvrant le feu indistinctement sur des émeutiers armés et des manifestants.

Le leader sunnite iranien, Abdolhamid Ismaeelzahi (à droite sur la photo), a également accusé les forces de sécurité du pays d’avoir déployé des tireurs de précision lors de rassemblements à Zahedan. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre la prière du vendredi 30 septembre interrompue par des tirs à proximité d’une mosquée sunnite de Zahedan.

Selon les autorités provinciales, le bilan des affrontements s’élevait à au moins soixante morts, parmi lesquels deux colonels des pasdarans. Selon des organisations humanitaires, le bilan serait de plus de 90 tués. L’accès à internet à Zahedan a été coupé de la fin septembre jusqu’au 2 octobre soir.

La raison invoquée par les manifestants de ce déchaînement de violences serait le viol, la torture puis le meurtre d’une jeune Baloutche (minorité ethnico-religieuse sunnite) de 15 ans par le chef de la police de la ville de Chabahar.

Le groupe jihadiste Jaïch al-Adl (l’Armée de la justice) héritier du Jundallah disparu en 2012 après la mort de ses leaders a revendiqué l’attaque du poste de police. Dirigé par Salahuddin Farooqui, le Jaïch al-Adl a des liens avec un autre groupe jihadiste régional, le Ansar Al-Furqan. Téhéran a trouvé là un prétexte pour qualifier les protestataires de « terroristes baloutches soutenus par des ‘agents de l’étranger’ saoudiens » et justifier la violente répression.

Comme les populations du Kurdistan iranien, les habitants du Sistan-Baloutchistan sont discriminés par le pouvoir chiite en raison de leur confession sunnite. Cette situation et ainsi que la proximité géographique de l’Afghanistan et du Pakistan font qu’une situation semi-insurrectionnelle règne dans cette région depuis des années. Elle se traduit par des enlèvements de gardes-frontières, des attentats à la bombe et des assassinats ciblés. Par exemple le 13 février 2019, 27 pasdarans avaient été tués et 13 autres blessés lors d’un attentat-suicide déclenché contre le bus qui les transportait. Cette action avait été revendiquée par Jaïch al-Adl.

Comme cela a déjà a été le cas par le passé, les autorités sont en train de reprendre la main la situation en utilisant trois méthodes :
. une sévère répression ;
. l’accusation de la responsabilité d’« agents de l’étranger » (États-Unis, Israël et Arabie saoudite) ;
. les contre-manifestations soutenant le régime généralement organisées par les milices bassidjies.
Il est donc peu probable qu’une « révolution » (1) ne survienne sauf évènement exceptionnel ; par exemple, le décès du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei (né en 1939) qui, de toutes façons, entraînera un problème de succession.

1. Voir : « Iran, une révolte ? Non, une (possible) révolution » ! » du 3 octobre 2022.

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Texte

Alain Rodier

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