Depuis le début de l’année, des personnalités russes de premier plan et parfois leurs familles, ont disparu dans des circonstances tragiques et parfois étranges en Espagne, en Russie et en Grande Bretagne.

Sans polémiquer sur ces sinistres affaires car les victimes ne sont pas toutes, loin s’en faut, des proches du pouvoir et sur le fait que certains décès peuvent effectivement relever du droit commun, il convient de noter que cette « épidémie » interpelle et rappelle les années les plus noires de l’URSS.

Sergey Protosenya

Le corps de Sergey Protosenya (55 ans), un ancien dirigeant du géant de l’énergie russe Novatek, la deuxième compagnie de fourniture de gaz russe, a été retrouvé le 19 avril dans une somptueuse villa qu’il avait acheté en Espagne à Lloret de Mar pour y séjourner en famille. Le millionnaire russe était pendu dans le jardin. Les corps de son épouse et de sa fille ont été découverts poignardés dans leurs lits. Selon la presse locale, une hache et un couteau ont été trouvés près du corps du défunt.
Deux thèses sont explorées par la police : soit Sergey Protosenya a assassiné son épouse et sa fille (à la hache selon les enquêteurs) puis s’est pendu, soit il s’agit d’un meurtre camouflé en suicide.
La famille Protosenya vivait habituellement en France et ne semblait pas avoir de problèmes particuliers étant à la tête d’une fortune évaluée à 440 millions de dollars.

Vladislav Avayev

Le 18 avril, l’ancien vice-président de Gazprombank considéré comme un « proche de Poutine », Vladislav Avayev (51 ans), a été retrouvé mort dans son luxueux appartement de la rue Universitetsky Prospekt à Moscou, là aussi avec son épouse et sa fille de treize ans. C’est la fille aînée d’Avayev qui, inquiète de ne pas avoir des nouvelles de sa famille, aurait fait la macabre découverte.
Le logement était fermé de l’intérieur et Avayev tenait dans sa main une arme de poing. Les enquêteurs en ont déduit qu’il avait tué sa femme et sa fille avant de retourner l’arme contre lui. Selon la presse, l’épouse d’Avayev aurait eu une liaison avec le chauffeur de la famille (dont elle était peut-être enceinte). La question du crime passionnel est soulevée. Un élément de l’enquête indique qu’il ne possédait pas de permis de détention pour l’arme qui a été utilisée mais en Russie, cela n’est pas probant.

Vasily Melnikov

Le 24 mars, le journal Kommersant a rapporté la mort du milliardaire Vasily Melnikov (43 ans) dans son luxueux appartement de Nizhny Novgorod. Melnikov qui travaillait pour la firme médicale MedStom a été retrouvé mort en compagnie de son épouse et de ses deux fils. Ils sont tous décédés des suites de blessures infligées par des armes blanches retrouvées sur place.
Kommersant a rapporté que les enquêteurs ont conclus que Melnikov avait tué son épouse de 41 ans dans la chambre commune et ses enfants de dix et quatre ans dans leurs chambres avant de se suicider dans la salle de bain de se tranchant les veines. Mais ses voisins et ses proches ne croient pas à cette version.
La société de Melnikov qui importait du matériel médical en Russie aurait subi de lourdes pertes en raison des sanctions internationales. Cela ne l’avait pas empêché de passer récemment des vacances en famille aux Maldives.

Mikhail Watford

Le Russe d’origine ukrainienne Mikhail Watford alias « Misha » (66 ans) a été découvert par un jardinier pendu dans le garage de son domicile dans le Surrey en Grande-Bretagne le 28 février.
Watford – qui avait changé de nom celui d’origine étant Tolstosheya – est né en 1955 était devenu un magnat du pétrole et du gaz. Selon la BBC, la police du Surrey n’a rien relevé de troublant. Watford vivait dans cette maison avec sa femme d’origine estonienne et leurs trois enfants… Watford était considéré comme un opposant de longue date au président Poutine ayant été l’un des amis du milliardaire russe Boris Berezovsky, retrouvé pendu chez lui à Ascot en 2013. Ce dernier qui avait aidé Poutine à ses débuts en politique avant de rompre avec lui aurait été lié au crime organisé russe.

Alexander Tyulyakov

Le 25 février, l’adjoint du Directeur général de Gazprom, Alexander Tyulyakov (61 ans) a été trouvé par son amant pendu dans le garage d’une maison de campagne près de St. Petersburg a rapporté le journal russe Novaya Gazeta. Une lettre retrouvée sur place a fait conclure aux enquêteurs à un suicide.
Mais selon les journalistes, les médecins légistes qui travaillaient sur la scène ont été priés de quitter les lieux par des membres du service de sécurité de Gazprom. De plus, le corps portait de nombreuses ecchymoses non expliquées.

Leonid Shulman

Le premier mort lié au domaine de l’énergie date d’avant le début de l’invasion de l’Ukraine.
Le responsable des services de transport de Gazprom âgé de 60 ans, Leonid Shulman, a été trouvé décédé dans une mare de sang dans la salle de bain d’une pension dans la région de Leningrad (Leninsky). Une lettre a été trouvée laissant penser à un suicide, la victime étant en phase terminale d’une grave maladie.

Il convient de garder la plus grande prudence avec ces disparitions dont certaines restent pour le moins suspectes. Si les services secrets sont engagés dans certaines d’entre-elles, il convient de noter qu’il n’y a pas eu de « raté » (sur un plan strictement « professionnel ») comme dans des cas d’empoisonnement plus anciens (mars 2018, Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, avril 2020, Alexei Navalny). Chaque affaire doit être examinée scrupuleusement pour tenter de savoir en quoi les victimes pouvaient embarrasser le Kremlin.

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Texte

Alain Rodier

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