Les premiers « retex » des opérations d’évacuation de ressortissants et de familles afghanes à partir de l’aéroport de Kaboul commencent à être publiés. On y discerne en premier lieu la panique qui a régné dans les chancelleries occidentales les 13, 14 et 15 août, quand le monde a réalisé que les talibans allaient magistralement gagner.

Face à une armée afghane qui en quelques semaines s’est évaporée, tant par l’absence de volonté de combattre – ne se sentant plus soutenue par ses chefs et le gouvernement – que par son ralliement en masse aux rebelles à coups d’absolution des péchés. Pourtant, plusieurs pays, dont la France, avaient – mezzo voce – prévenu des « faiblesses » de l’armée afghane et mis en place, dès juillet, l’évacuation d’une partie de leurs ressortissants. Mais la plupart des pays européens, endormis par les rapports optimistes des Américains, avaient préféré attendre le coup de sifflet du départ des troupes américaines. Or, Washington a d’abord joué son propre jeu. Il avait clairement annoncé que les États-Unis suivraient à la lettre les accords de Doha signés en février 2020 avec les talibans, même si, au fil des mois, ceux-ci avaient trahi en grande partie leurs engagements.

Cependant – et c’est à mettre à leur crédit – une fois cette opération d’évacuation décidée et malgré un début chaotique, les Européens ont réussi le pont aérien et sont parvenus à rapatrier en moins de deux semaines un grand nombre d’hommes et de femmes. On notera que si l’Europe a mobilisé autant d’appareils que les États-Unis, elle n’a évacué qu’un cinquième du nombre total des personnes qui ont quitté l’Afghanistan, les autres ayant en majorité embarqué dans les aéronefs de l’US Air Force. Plusieurs raisons à cela : les appareils des forces aériennes européennes, hormis les C-17 de la RAF, ont des capacités plus réduites (A400M et C-130) que les C-17 américains ; mais aussi, ce sont les Américains qui contrôlaient les opérations aériennes et la sécurité à l’aéroport de Kaboul, donc le pont aérien a été réalisé selon leurs impératifs et uniquement. À cela s’ajoutent un manque d’efficacité des flottes nationales et une coordination insuffisante – voire absente –, car des avions décollaient bondés, tandis que d’autres repartaient très peu remplis. D’autre part, quasiment chaque pays avait son « hub » à la sortie de l’Afghanistan, et les vols mutualisés se sont comptés sur les doigts d’une main. Si quelques pays ont joué la carte européenne en évacuant des ressortissants d’autres nations, la majorité l’a « joué nationale ».

Mais, surtout, on a assisté à la faillite de l’OTAN, grande absente de cette évacuation, qui, selon les experts, est restée « K.O. debout » après l’écroulement des forces afghanes qu’elle avait formées et soutenues pendant 20 ans. D’ailleurs, la première réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance ne s’est tenue que le 20 août, soit une semaine après le début des décisions d’évacuation. Sans oublier le fait que ce pont aérien a été réalisé sans perte (en dehors des victimes de l’attentat commis par Daech) grâce au bon vouloir des talibans qui, cette fois, ont respecté les accords avec les Américains. Un refus des nouveaux maîtres de Kaboul, et la noria des aéronefs aurait été bien compliquée, voire impossible. Car les pistes auraient été constamment sous le feu des talibans et les pertes auraient pu être énormes. Comme toujours, l’Amérique a joué « en solo » selon son propre tempo. Même son allié et vassal de toujours, le Royaume-Uni, n’a pas pu repousser la date butoir du 31 août, jour des dernières évacuations et du retrait définitif d’Afghanistan. Et les Européens ont dû suivre.

Bonne lecture
Eric Micheletti

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