La défaite que vient de subir l’OTAN en général et les États-Unis en particulier en Afghanistan va avoir des répercussions géostratégiques importantes dont personne ne peut encore mesurer l’ampleur même si les responsables politiques et militaires tentent d’afficher une certaine sérénité en sous-entendant que cela n’est pas si grave que cela.

Il est vrai que la fin de la guerre du Vietnam en 1975 n’a pas provoqué de cataclysme mondial mais avec une différence notable : c’étaient uniquement les Américains et leurs alliés directs qui ont connu ce dur revers politico-militaire. Aujourd’hui, c’est la plus grande alliance militaire occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qui a été vaincue par des « va-nu-pieds » aux moyens limités.

Certes, les Américains se sont retirés progressivement depuis un certain temps puisque le désengagement avait débuté sous la présidence Obama. Il avait été poursuivi sous l’administration Trump puis finalisé par Biden. Mais il restera dans l’Histoire qu’une fois de plus, les Américains ont abandonné un gouvernement qui, même s’il était corrompu, leur faisait confiance.

Cette manière de procéder qui commence à se répéter un peu souvent (1) va inquiéter au plus haut point tous les gouvernants qui comptent sur Washington pour bénéficier du « parapluie » US.

Il va en être de même pour l’OTAN qui, en dehors de déclarations martiales de ses secrétaires généraux successifs et des grands brassages d’air lors de manœuvres militaires où tout le monde se congratule en échangeant fanions et autres souvenirs, ne paraît pas démontrer une capacité opérationnelle impressionnante. Sa légitimité va naturellement être remise en question. Les Pays baltes, la Pologne, l’Allemagne ont du souci à se faire sans parler des Ukrainiens qui, certes, ne sont pas protégés par l’OTAN, mais indirectement par les États-Unis. En Extrême-Orient, Taiwan, la Corée du Sud et le Japon se posent déjà des questions. En cas de crise ouverte avec Pékin, quelle va être la réaction américaine ?

Sur le plan purement militaire, tous les stratèges affirmaient que l’on ne gagne pas une guerre avec uniquement l’aviation (en dehors des aviateurs qui ont toujours défendu leur pré carré). Si cela a été prouvé une nouvelle fois en Afghanistan, la découverte pour les non-spécialistes, c’est que le « remède miracle » constitué par les forces spéciales ne gagne pas non plus des guerres. Ce n’est en aucune manière la faute de ses membres qui effectuent des missions ponctuelles ahurissantes de complexité et de dangerosité (extraction de prisonniers, d’otages, éliminations ciblées, appui à des pays ou mouvements désignés comme « amis », etc.) mais elles ne restent que « ponctuelles » et limitées dans le temps.

Dans les années 1970, il y avait une plaisanterie qui circulait au sein de la « régulière » : « depuis que l’on a inventé les parachutistes, on perd toutes les guerres, la dernière ayant été gagnée étant celle de 14-18 qui a vu la victoire de l’infanterie de ligne… ». En dehors de la galéjade entrant dans le cadre de la « guerre des boutons » traditionnelle dans l’armée française, il y avait un constat qui est encore valable aujourd’hui : pour mener une guerre en espérant la gagner, il faut le « nombre » pour tenir le terrain dans la durée. Mais ce ne sont que des moyens qui doivent être mis au service d’une politique cohérente de gestion des populations dans le respect de leurs spécificités.
Ce qui plait aux responsables politiques, c’est que les forces spéciales coûtent beaucoup moins cher qu’un corps de bataille blindé-mécanisé et qu’elles sont plus médiatiques. De plus les citoyens se croient en sécurité car protégés par ces grands professionnels. Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont bien trop peu nombreux pour assurer une mission qui n’est pas la leur.

La question fondamentale que se posent désormais tous les acteurs est : comment faire confiance à l’Alliance – de fait dirigée par Washington – qui cède devant 60.000 activistes salafistes-jihadistes en cas d’un affrontement avec une grande puissance. L’ambassadeur d’Afghanistan en France (qui bientôt va passer au statut de réfugié) a identifié le problème de son pays : le Pakistan (ce qui n’est pas faux) et il a appelé à une intervention militaire contre ce pays… Il est évident que cela est totalement impossible d’autant que le Pakistan comme la Chine et la Russie est doté de l’arme atomique.

La question subsidiaire est : quand est-ce que la prétention occidentale à aller régler tous les problèmes dans le monde s’arrêtera ?

1. les gouvernements vietnamiens, du Shah d’Iran, tunisien, égyptien, etc.

Publié le